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Coup de coeurYOU WILL MEET A TALL DARK STRANGER

Woody Allen (GB/ USA 2010)

Naomi Watts, Gemma Jones, Anthony Hopkins, Antonio Banderas, Josh Brolin

98 min.
20 octobre 2010
YOU WILL MEET A TALL DARK STRANGER

Woody, on est toujours content de le retrouver. Même s’il n’a rien d’un bel inconnu mais tout d’un petit binoclard fébrile et tourmenté.

Chaque année on se rend au rendez-vous qu’il nous propose, avec une rare constance, depuis 4 décennies. En se fichant un peu que le film soit excellent ou moins bon, original ou coulé dans des habitudes narratives et scénaristiques.

Avec Allen, c’est comme avec un vieux copain on n’attend pas qu’il se renouvelle à chaque rencontre. Au contraire, on peut aimer retrouver, au fil des réalisations, les mêmes obsessions puisque celles-ci sont souvent les nôtres : l’angoisse de la mort, la peur de l’âge, le sentiment de faute et de culpabilité, l’envie de tomber amoureux même si l’on sait qu’il n’y a pas plus éphémère que le désir.

C’est dans ce ressassement décliné depuis longtemps (et pour longtemps encore espérons le *) avec un talent fait de transgressive pertinence et de nihilisme drôle que l’on trouve du plaisir.

Un plaisir décuplé par le fait de vieillir ensemble dans un fraternel côte-à-côté spectateur/réalisateur et d’être dès lors à même de goûter ces petites choses qui font qu’au fil du temps son cinéma tout comme notre regard acquièrent un besoin de questionnement sur le sens de la vie.

Helena est quittée par son mari. Elle se console auprès d’une diseuse de bonne aventure. Sa fille Sally, la délicieuse Naomi Watts, est mariée à Roy mais secrètement amoureuse de Greg, le ténébreux et séduisant Antonio Banderas.

A quoi riment tous ces chassés croisés proposés par « You will meet… » ? La recette du bonheur, si tant est qu’elle existe, serait-elle de délaisser la réalité et ses brutalités cruelles pour l’illusion et ses chimères ?

Il y a dans ce dernier ouvrage « brodé » de couleurs londoniennes (grises, ocres et beiges rosés), « tissé » par des acteurs qui donnent aux petits arrangements avec la vie pour rendre celle-ci supportable une rare humanité, « tramé » à partir des concepts de chance et de hasard devenus, depuis « Melissa & Melissa » les tropes de la philosophie woodienne, un allant et une résignation qui font frissonner.

Par la pathétique, désenchantée et noire résonnance qu’ils éveillent en nous.

Et si, après tout, pour échapper aux tentatives de suicide, à la psychanalyse-qui-ne-donne-pas-toujours-le-bien-être-escompté, aux tromperies, aux humiliations, aux incompréhensions, aux impuissances, à l’usure de sentiments il suffisait de faire « sa farfelue » ?

Et de se mettre sous la protection du grand Will (Shakespeare) qui avait compris que « L’histoire humaine est un récit, plein de bruit et de fureur, raconté par un idiot et qui ne signifie rien ».

Propos qui confère à celle qui en saisit la puissance libératrice une pêche étonnante puisque, à elle et à elle seule, s’ouvrent les portes d’une sérénité joyeuse. Cristalline en référence au prénom d’une des héroïnes, Cristal la bien nommée puisqu’elle est voyante.

« Se duper pour être heureux » en vaudrait donc la chandelle comme l’explique, avec un brin de mélancolique fatalité, le réalisateur dans le bel entretien accordé à Michel Ciment et Grégory Valens dans le magazine « Positif » de ce mois d’octobre 2010.

 

Et s’il avait raison ? (mca)

(*) ceci pour répondre à la sotte et déplacée question de Serge Moati, ce systématique passeur d’encensoir sur toutes les daubes françaises, dans son émission sur FR5 "Cinémas cinémas" de ce 9 octobre 2010 "Woody Allen est-il un cinéaste fini ?"