Documentaire
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LES REVES DANSANTS, SUR LES PAS DE PINA BAUSCH

Anne Linsel (*) et Rainer Hoffmann (Allemagne 2009)

Pina Bausch, Jo Ann Endicott, Bénédicte Billet (les répétitrices)

89 min.
8 décembre 2010
LES REVES DANSANTS, SUR LES PAS DE PINA BAUSCH

Pina Bausch (1940-2009), chorégraphe bouleversante par la simplicité souvent provocatrice de son langage gestuelle, décide, quelques mois avant sa mort, de reprendre une de ses plus célèbres créations, Kontakhof, avec pour interprètes de très jeunes gens dont l’expérience de la danse est inexistante.

Y-a-t-il plus généreuse façon de quitter la scène que d’offrir à ceux qui vous survivront la possibilité d’éprouver les sensations, fortes et émouvantes, qui ont fait l’essence de votre vie ?

« Les rêves … » ne sont pas qu’un documentaire sur le making off d’un spectacle, ils sont une sorte de captation de moments inattendus au cours desquels une somme informe et tâtonnante de mouvements devient un tout cohérent et sensible.

Il y a, dans ce film, quelque chose de la magie du « Mystère Piccaso » de Clouzot lorsque celui-ci tentait non pas d’emprisonner mais de saisir dans toute sa liberté autant travaillée qu’improvisée le geste créateur du peintre.Proche de celui d’un démiurge qui donne forme au rien.

Tout ne paraît pas au premier abord utile dans « Les rêves … », notamment la redondance de certains discours et les trop décoususes interviews des apprentis-danseurs.

Et pourtant tout finit par devenir essentiel dans ces portraits qui dessinent par petites touches les préoccupations, les rêves et les peurs d’une génération.

« Les rêves … » s’adressent autant au travail « on stage » qu’à celui qui se passe en coulisses.

Dans le premier, une caméra qui semble s’assouplir au fur et mesure des progrès des danseurs filme les corps au plus près de leurs efforts, de leurs timidités, de leur beauté sensuelle et dans le second la même caméra s’intéresse aux doutes, aux recherches d’identité, aux hésitations qui assaillent ces jeunes filles et ces jeunes gens.

Qui, au détour de cette recherche collective, auront appris à mieux se comprendre. En tant qu’individu et en tant qu’être sexué.

On sait que l’un des apports les plus substantiels de Pina Bausch à la danse concerne une approche à la fois axée sur la séduction et la violence des rapports hommes/femmes.

Pour s’en souvenir, reste accrochée à nos mémoires et à nos rétines sa prestation dans le beau film d’Almodovar « Hable con elle ».

Danser est une technique. Un art mais aussi une façon d’exprimer, en se plaçant en leur centre, les relations que les humains tissent entre eux.

Avec Kontakhof, ce qui peut se traduire en français par « lieu de rencontre », la chorégraphe propose un regard, une réflexion, une brassée d’émotions sur des corps qui se cherchent, se cognent, se désirent ou se dérobent.

En 2000, ce sont des sexagénaires qui avaient incarné ces incessants va et vient entre désirs et mises à distance.

En dédiant à des adolescents la reprise d’une de ses œuvres majeurs, l’artiste non seulement restitue à la notion de transmission tout son sens mais encore, en donnant en fin de spectacle à chacun de ses exécutants une rose et un sourire, elle prolonge pour le spectateur et bien au-delà du temps de la projection une émotion.

Faite de beauté et d’intemporalité. (mca) 

 

(*) Anne Linsel suit Pina Bausch depuis son installation, au début des années 1970, au Tanztheater de Wuppertal.