Plus qu’un western
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TRUE GRIT

Ethan & Joel Coen (USA 2010)

Hailee Steinfeld, Jeff Bridges, Matt Damon, Josh Brolin, Barry Pepper

125 min.
16 février 2011
TRUE GRIT

Du cran (grit en anglais) au courage, le chemin est incertain, semé d’embûches et exigeant.

Fait de persévérance, de sang-froid, de brutalité parfois. Et surtout de confiance en soi, en sa « mission » et en ses partenaires.

C’est ce qu’apprendra Mattie Ross, jeune fille intelligente et cultivée (rare pour l’époque - nous sommes en 1870 et dans l’Arkansas) de 14 ans qui, pour retrouver l’assassin de son père, engage un US marshal. Moins pour se venger que pour s’assurer que justice sera rendue.

Une fois de plus les frères C n’hésitent pas à se confronter à un très bon film - ils l’avaient déjà fait pour revisiter le délicieusement caustique « Ladykillers » d’Alexander Mackendrick - le « Cent dollars pour un shérif » d’Henry Hathaway.

D’en reprendre le corpus narratif tout en lui donnant une note personnelle. Cette note qui fait que très vite on reconnaît la griffe des Coen, à nulle autre pareille par le regard qu’elle porte sur la mort, la façon dont elle arrive, dont on la croise et la dérision qui l’entoure.

Indispensable sans doute à son acceptation.

Il y a bien sûr des différences entre ce « True… » et celui d’Hathaway dont on salue la récente sortie en DVD ou blue ray.

Différences minimales (l’humour "gras" est devenu farfelu, les décors sont plus secs) ou maximales (foin du conservatisme de la version 69 réalisée en pleine contestation de la guerre du Vietnam, désinfantilisation du rôle de Mattie, essentialité du rapport qu’elle entretient avec Bridges et dès lors mise en retrait de celui qu’elle a avec Damon ) soulignent que 32 ans ont passé depuis le film original et qu’ils ont imprimé l’Amérique d’un sceau moins sexiste mais plus absurde et plus pessimiste.

Notamment dans une fin qui délaisse le triomphe d’une affaire rondement menée pour un plan sur une femme, portant la trace dans son corps de son aventure passée et venue rendre un dernier hommage à celui qui l’a aidée quand elle en avait besoin.

Ce « père de substitution » dont la vie s’est terminée, comme celle du William Cody dans le « Buffalo Bill and the indians » de Robert Altman dans la sciure d’un cirque ambulant.

D’homme d’action à homme de représentation, la chute n’est pas montrée. Mais suggérée avec une émotion laissée à l’imagination de chacun.

Film fougueux, fait de somptueux et larges plans d’ensemble (Stetson bas au chef opérateur Roger Deakins), de ciels poétiquement étirés. De paysages infinis et nimbés d’une sourde mélancolie à venir, annoncée par la fumée d’un train, prémisse d’une civilisation dans laquelle le cheval ne sera plus de muscles mais de vapeur)

Film divertissant qui rebondit de scènes d’action en dialogues savoureux et observations de la réalité d’un Ouest violent, « True… », s’il a fait entrer John Wayne dans la mythologique liste des acteurs oscarisés, offre à Jeff Bridges un de ses plus beaux rôles. Moins statue du commandeur que son prédecesseur mais réussissant à transformer l’air renfrogné en atout charismatique.

Face à lui, un Matt Dillon inhabituellement peu à l’aise en Texas ranger (*) et une jeune actrice dont la raideur un peu trop mécanique et l’aplomb à toute épreuve sont bien éloignées de l’interprétation d’une Kim Darby ( la Mattie d’Henry Hathaway ) plus immature et romantique.

Soulignant qu’ici aussi les années ont passé. Et que les jeunes filles peuvent être présentées comme têtues et manipulatrices sans être taxées de masculines.

« True grit » est adapté d’un roman-culte de Charles Portis (**). Il cerne, avec force et sensibilité, l’équilibre toujours instable d’une Amérique tiraillée (encore de nos jours) entre violence et vertu.

Entre désirs d’aventure et envie de stabilité. Besoin de justice et attrait/répulsion pour la sauvagerie que celle-ci peut engendrer.

Il est aussi un beau regard sur la soif d’absolu d’une adolescente, dont la farouche volonté rappelle celle de la jeune Scout Finch du légendaire « To kill a mockingbird » (***) d’Harper Lee.

Toutes deux refusant de se résigner à ce que nous adultes avons tendance à trop négligemment accepter : une Justice mal faite. (mca)

 

(*) suggérant une rivalité (un début de guerre des polices ?) entre le chasseur de primes peu soucieux des frontières entre Etats et celui qui porte l’ étoile qui légitime sa compétence rationae loci.
(**) paru aux éditions Serpent à plumes avec une postface de Donna Tartt
(*** ) adapté pour le grand écran par Robert Mulligan, le film (en français "Du silence et des ombres") a reçu trois Oscars dont celui, grâce à l’interprétation magistrale de Grégory Peck, du meilleur acteur.