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THE BEAVER

Jodie Foster (USA 2011)

Jodie Foster, Mel Gibson, Anton Yelchin, Jennifer Lawrence

91 min.
25 mai 2011
THE BEAVER

Pendant que défilent, sympathiquement alignées, les images du dernier film de Jodie Foster, « The beaver », on se prend à penser à … Marcel Pagnol.

Lui qui dans « La gloire de mon père » a, avec son don pour l’écriture claire et courte, rappelé qu’il existe entre un maçon et un appareilleur une différence essentielle. Sur laquelle s’arc-boute l’écart entre le travail bien fait et l’oeuvre. Voire le chef d’oeuvre.

Le maçon construit à partir de briques formatées sur le même moule et reliées entre elle par des paquets visibles de ciment.

Le second monte des murs après en avoir taillées, une par une, les pierres destinées à s’emboîter par un système délicat fait de tenons et de mortaises tenus par un invisible plomb coulé dans leurs rainures.

Sans l’ombre d’un doute , « The beaver » est un travail de maçonne.

 

Fait de scènes simples, assemblées les unes aux autres avec une alternance savamment calculée (et aussi apparente qu’une verrue sur le nez d’une sorcière) d’humour et d’émotion, afin de raconter une histoire comme les aime le cinéma américain.

Une histoire de famille calibrée wasp dont le père, homme d’affaires dépressif trouve, au cœur de son neurasthénique burn-out le moyen de reprendre contact avec lui-même, le Monde et ses proches grâce à une marionnette.

A laquelle il délègue, quasi intuitivement et en tout cas - happy end oblige - magiquement, ce qui lui manque pour renouer avec la vie : la capacité d’extérioriser et de communiquer ses pensées, ressentis et envies.

Si le sujet est intéressant - la dépression est-elle la réponse aux nombreux rendez-vous manqués avec un soi que l’on préfère masquer d’illusions ? -, une de ses facettes inattendue, le recours à une peluche comme tiers médiateur, son traitement reste conventionnel voire parfois trop appuyé.

Tiraillé entre un rythme fantasque qui s’essouffle vite pour rentrer dans le rang de la convenance, des dialogues artificiellement gonflés de cocasserie, une dose non homéopathique de recherche d’émotions et une impression gênante d’inachevé, « The beaver » rate la cible de l’étrangeté contenue dans sa note d’intention : un homme est sauvé par son joujou comme peut l’être un enfant par son doudou (*)

Comme si la cinéaste n’avait pas eu l’audace de l’appareilleur pour mener jusqu’au bout l’insolite de son projet et faire de celui-ci quelque chose de réellement interpellant et personnel.

Ce qu’elle avait su faire avec sa première œuvre « Little man Tate » qui traitait avec une conviction dont on ne retrouve pas ici toute l’honnêteté, d’une autre forme d’exclusion : le fait d’être un enfant surdoué.

Quant à Mel Gibson est-ce son talent d’acteur ou un désir de casser avec une renommée de bad boy (raciste et brutal) qui lui donne une telle pêche dans ce rôle pathétique et parfois agaçant ?

Ou est-ce sa façon de se montrer à la hauteur de la confiance placée en lui par une amie rencontrée il y a 17 ans sur le plateau de « Maverick » de Richard Donner ?

Amie avec laquelle il partage un intérêt pour les reclus. En 1993 sa première réalisation « A man without a face » évoquait la solitude avec autant de force et de sensibilité que celles de Jodie Foster dans « Little man Tate » (mca)

 
(*) qualifié d’objet transitionnel par Donald Winnicott dans ses remarquables travaux sur les difficultés de passer d’un état d’esprit à un autre.