Ecran total 2011
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TAKING OFF

Milos Forman (USA 1971)

Lynn Carlin, Linnea Heacock, Buck Henry (*)

93 min.
16 juillet 2011
TAKING OFF

Voir ou revoir « Taking off » c’est réussir un carreau en jouant à la pétanque.

Un moment de plaisir et d’étonnement mélangés. Par le coup de pep donné au regard et à l’esprit par ce film, le premier réalisé aux Etats Unis, par un Milos Forman bravache et exalté.

Exalté par une Amérique, celle de la fin des années 1960, emportée par un mouvement hippie qui durera ce que durent les fleurs - référence oblige au flower power - peu de temps, avant d’être récupéré par l’esprit des pionniers plus soucieux de norme que de transgression.

Cet esprit qui sévit plus fort que jamais et qui a pour nom le politically correct.

Réalisé 4 ans après « Au feu les pompiers », « Taking off » a gardé de cette œuvre l’aisance pleine d’humour avec laquelle le cinéaste épingle les incompétences et les dysfonctionnements d’un système.

Que celui-ci soit social ou familial, c’est du même point de vue acéré, moqueur et bienveillant que Forman portraitise tantôt une bureaucratie dépassée par des événements du quotidien tantôt des parents dépassés par leur progéniture.

Quelque part dans une banlieue bourgeoise de New York, une jeune fille fugue pour échapper à la morale étriquée de son milieu. Durant son absence ses parents vont découvrir les délices et les limites de la marijuana et de la liberté sexuelle.

Il y a de la satire chez Forman (et chez son scénariste Jean-Claude Carrière), de l’extravagance, de l’imagination mais aussi de l’impuissance et de la mélancolie.

L’American way of life, ses hypocrisies et ses illusions, ne sont pas une façon de penser dont on se débarrasse aisément. Et il faut plus qu’un strip poker (même glorieusement réussi) pour s’en émanciper.

« Taking off » n’est pas qu’un affrontement entre 2 générations ou la prise de conscience d’une société qui a du mal à grandir, il est, avec le recul que donne la revisitation d’un film 40 ans après sa réalisation, le point de départ d’une tendance qui n’a cessé d’enfler depuis lors.

Tendance que l’on appelle adulescence (**).

Adulescence non pas dans son versant « Tanguy », la jeune adulte incapable de quitter papa et maman, mais adulescence dans son versant « Goldie Hawn », la découverte par les adultes qu’il est amusant d’adopter le mode de vie de ses descendants.

Irrévérencieux, souvent désopilant, dés-engoncé d’a priori formel, « Taking off » décoiffe et « décolle ».

Pour nous amener sur des chemins plus acerbes, déconstructifs voire pessimistes qu’il n’y paraît.

Chemins que le réalisateur continuera d’arpenter dans ses œuvres suivantes, « One flew over the cuckoo’s nest », « Larry Flint ».

Pour ceux qui ont raté la re-sortie de « Taking off » à l’Ecran Total en ce pluvieux mois de juillet 2011, reste la possibilité de rattraper le cochonnet grâce au DVD récemment mis sur le marché.

Avec les formidables bonus que sont les entretiens avec Jean-Claude Carrière et Milos Forman.

Un passionnant focus sur les débuts cinématographiques de ce dernier est à lire dans série " L’enfance de l’art " initié cet été par le Nouvel Observateur du 9 juillet 2011. (mca)

(*) cousin très rapproché (même névrose et même burlesque involontaire) de Michael Stuhlbarg de "A serious man" des frères Coen

(**) pour ceux que le sujet intéressent "L’impossible entrée dans la vie" de Marcel Gauchet edité aux éditions Temps d’arrêt en 2008