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KATHLEEN FERRIER

Diane Perelsztejn (Belgique 2012)

Kathleen Ferrier, Georges Octors, Bruno Walter ...

90 min.
28 mars 2012
KATHLEEN FERRIER

Il semble que tu connaisses les deux rives, l’extrême joie et l’extrême douleur. Là-bas, parmi ces roseaux gris dans la lumière, tu puises de l’éternel » (Yves Bonnefoy - poème à Kathleen Ferrier)

D’où viennent ces voix sublimes qui nous emmènent vers un ailleurs inconnu de nous-mêmes ?

Le beau documentaire de Diane Perelsztejn (*) n’a pas la prétention de proposer une réponse. Juste de suggérer, par un singulier processus de mise en scène, des accès. Des pistes vers ce lieu mystérieux qui se tisse entre bonheur et souffrance, vie et mort, infini et proximité.

Emotions intenses, profondes qui relient un chanteur à ses auditeurs.

Le premier servant d’ancrage, souvent à son insu, aux rêves, à l’indicible, aux réminiscences du second.

Kathleen Ferrier c’est une vie d’à peine un peu plus de 40 ans - de 1912 à 1953.

Dont plus de 25 passés à côté d’un talent qui a été découvert presque par hasard grâce à une création poignante du « Viol de Lucrèce » de Benjamin Britten.

La beauté de sa voix, magnifiée par une intuition quasi viscérale du phrasé musical, éclate lors de ses rencontres sous la direction de Bruno Walter avec notamment Malher ( « Kindertoterlieder »), Gluck (« Orfeo » ) et Bach ( « Magnificat »).

Il n’est pas possible de s’intéresser à Kathleen Ferrier sans transformer cette attention en hommage.

C’est, et on ne s’en plaindra pas, la démarche de Diane Perelsztejn dont l’intelligence est d’inscrire son propos dans un harmonieux mélange d’archives et de témoignages qui tout en célébrant la voix et le charisme d’une interprète exceptionnelle ne cède jamais aux complaisantes facilités de l’hagiographie.

Comme si la dignité et l’élégance de son sujet étaient les naturelles et inspirantes frontières à une empathie qui aurait pu être trop débordante, trop affective - les débuts modestes, les amours mouvantes, la courte carrière de la contralto brisée trop tôt par le cancer ...

L’autre point fort du travail de la cinéaste est d’avoir habilement joué sur la notion du temps.

Le temps de l’instant scandé par des plans fixes et des photos (comme Chris Marker dans « La jetée ») et le temps de la durée.

Symbolisé par un croisement temporel : « Das lied von der Erde » chanté par Kathleen Ferrier et interprété de nos jours, à Flagey, par l’Ensemble Ictus conduit par Georges Octors.

Le long métrage de Diane Perelszjten sera présenté en avant-première, en présence de la cinéaste, ce 19 mars 2012 au cinéma Les Galeries (Galeries de la Reine 26 à 1000 Bruxelles).

Souhaitons lui une longue carrière pour que le plus grand nombre de spectateurs saisisse l’occasion de faire connaissance avec celle qui fut une diva (sans caprice) mais surtout une femme libre, exigeante et étonnamment moderne. (mca)

(*) diplômée de l’IAD en 1981, documentariste pendant 14 ans pour les émissions « Shema Israël » et fondatrice de la maison de production Les films de la mémoire à laquelle on doit notamment " La boîte à tartines" de Floriane Devigne et "Modus operandi" d’Hugues Lanneau.