Chronique sentimentale
2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s)

WEEK-END

Andrew Haigh (GB 2011)

Tom Cullen, Chris New

96 min.
4 juillet 2012
WEEK-END

Avec Godard vous l’auriez passé dans les embouteillages, avec Henri Verneuil à Zuydcoote, avec Etienne Daho à Rome (*) ; chez Andrew Haigh c’est près de Nottingham que se passe le week-end.

Un week-end sensuel, bavard (comme on peut l’être dans un film de Cassavetes) au cours duquel deux jeunes hommes se rencontrent dans une boîte de nuit, boivent, se droguent, s’aiment et surtout apprennent à se connaître.

A s’écouter et à écouter l’autre dans ses envies, ses souvenirs, ses espoirs.

A affronter un Monde qui n’a pas toujours pour les homosexuels les yeux de Chimène.

Au fil des séquences les plans se contractent. La petite ville devient bar, le bar devient chambre, la chambre devient lit.

Chacun de ces espaces étant filmé par une caméra qui cadre les lieux avec une exigence cintrée comme pour mieux souligner l’intensité ascendante des sentiments des amants.

Il n’y a pas de bégueulerie dans « Week-end ». Les rapports sexuels sont évoqués sans hypocrisie, sans filtre inutilement bienséant - néanmoins ils n’ont pas la frontalité de ceux filmés par Fassbinder.

De leur tangibilité charnelle ressortent une force et une émotion qui troublent et désarment.

Il y a dans cette approche des corps à fleur de peau relayée par des conversations à cœur ouvert une simplicité sans équivoque. Parce que chacun peut y lire la clé d’une attraction plus vaste, plus complète.

La caméra à l’épaule qui proximise les visages , le contraste entre couleurs plutôt sombres et lumière légère, la justesse éloquente des dialogues et le charme des acteurs font de « Week-end » un huis-clos passionné et poignant.

Un huis-clos qui n’est pas une prison mais une halte dans deux parcours personnels.

Halte qui n’est sans doute pas faite pour s’éterniser mais que pourtant le spectateur pressent comme essentielle parce que, lorsque les personnages auront mené leur vie et que viendra pour eux le moment de se tourner vers ce qu’ils en ont fait, il y a fort à parier que cette rencontre-là, pour éphémère qu’elle ait été, prendra son vrai sens.

Avoir été le socle d’un nouveau départ. Où l’on n’est plus encombré de questions sur ce que l’on est, sur ce que l’on veut mais conscient de ce que l’on souhaite et de ce que l’on est prêt à faire pour y parvenir.

Conscient qu’une parenthèse « enchantée » a été le moteur d’un avenir qui sans elle aurait été vécu moins authentiquement.

Moins sincèrement. Lesté d’un idéalisme, d’une candeur, d’une non acceptation de soi encombrants et frustrants.

« Week-end » a reçu au festival de Gand 2011 le Prix du Jeune Jury et le Prix du Public dans la plupart des festivals gays et lesbiens (San Franciso, Tchèquie, Toronto...).  

Il a été programmé une première fois au Pink Screen (dont on salue ici l’intelligence de la sélection) l’automne passé. (mca)

(*) 2 films - "Week-end" de Godard, "Week-end à Zuydcoote" d’Henri Verneuil ; une chanson "Week-end à Rome".