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IXCANUL

Jayro Bustamente

María Mercedes Coroy, María Telón, Manuel Antún

93 min.
25 novembre 2015
IXCANUL

Maria (María Mercedes Coroy), une jeune fille de 17 ans issue de la communauté maya Kaqchiquel, vit avec ses parents sur une plantation de café située aux pieds d’un volcan toujours actif.

Promise à un mariage arrangé avec le contremaître de la ferme, Maria rêve toutefois de découvrir le monde qui s’étend au-delà de la montagne. Décidée à poursuivre l’inimaginable au sein de sa communauté, elle séduit un récoltant en café qui ne désire rien d’autre que rejoindre les États-Unis. Malheureusement,’homme l’abandonne à son sort et les conséquences de ce rêve avorté seront, pour elle et sa famille, tragiques.

Le réalisateur, Jayro Bustamente que nous avons eu le plaisir de rencontrer ( lire notre interview ), a grandi au Guatemala dans la région où se déroule l’action. C’est une histoire vraie qui lui a donné l’envie de porter à l’écran Ixcanul , film qui a remporté le Prix Alfred Bauer à Berlin en février 2015 et qui fut, chez nous, couronné du Grand Prix du Jury au Festival de Gand.

Même s’il s’est largement documenté auprès de la population indigène pour mener à bien son projet, le jeune cinéaste s’est toutefois bien gardé d’adopter le ton du documentaire pour mettre à l’honneur cette communauté guatémaltèque relativement retranchée.

En investissant les liens particuliers qui unissent, avec force et tendresse, une mère et sa fille, Ixcanul nous fait découvrir un rythme de vie défini par des croyances et des traditions ancestrales qui tiennent parfois de l’extraordinaire. Le syncrétisme culturel et religieux à l’œuvre dans ce film est ancré dans un réalisme authentique qui évoque par touches subtiles, les traumatismes d’un pays qui n’a pas été épargné par les atrocités de l’Histoire. Des ravages de la colonisation, laquelle a contribué à anéantir la civilisation maya et à imposer une culture régie par le machisme, en passant par la domination, simultanément répulsive et attirante, du géant américain, Ixcanul dévoile un extraordinaire métissage culturel où le féminisme n’en est qu’à ses premiers balbutiements.

Tous les personnages d’Ixcanul ont été incarnés par des acteurs non professionnels, mais force est de constater que ces derniers ne jouent pas un rôle mais transmettent avec une vérité remarquable l’esprit de toute une communauté. Même si Maria occupe largement le devant de la scène, sa mère, Joanna, est un personnage absolument fascinant, et la puissance remarquable de l’amour qui unit ces deux femmes est extrêmement émouvante. La vigueur extraordinaire de ces femmes ainsi que leur capacité de résistance s’expriment souvent dans le silence et à travers une colère rentrée, ce qui pourrait laisser à penser que certaines scènes relèvent du contemplatif. Néanmoins, le langage corporel de leurs émotions, leur manière de se mouvoir (souvent énergique dans le chef de Joanna), ainsi que le regard vif, acéré et parfois mélancolique qu’elles portent sur leur communauté et au-delà des frontières de leur territoire féminin, crèvent l’écran et ébranlent le socle de la passivité auquel le machisme ambiant voudrait les cantonner.  

Poésie, force et authenticité sont sans aucun doute les maîtres mots qui définissent ce film, qui sonne extrêmement juste et auquel on décerne sans peine un coup de cœur.

 
( Christie Huysmans )