Les brèves des Festivals

HORS COMPÉTITION et BERLINALE SPECIAL

4 mars 2016
HORS COMPÉTITION et BERLINALE SPECIAL

HORS COMPÉTITION

Chi-Raq de Spike Lee

Bruyant, caricatural et naïf, le dernier film de Spike Lee ne fait guère dans la subtilité ni dans la nuance pour dénoncer la violence meurtrière de Chicago et l’incapacité politique des États-Unis à gérer les effets pervers du port d’armes (Entre 2001 et 2015, 7.536 personnes émanant principalement de la communauté noire ont été tuées par arme à feu aux États-Unis).

Saint-Amour de Benoît Delépine et Gustave Kervern : le bonheur est-il dans le pré ?

Saint-Amour fut sans doute la petite bulle d’air frais du Festival, « le seul film dans l’histoire de la Berlinale à être présenté hors compétition mais susceptible de remporter l’Ours d’Or », selon un Gérard Dépardieu qui suscite toujours autant l’intérêt des foules et qui ne connaît guère la langue de bois. (L’acteur mammouthesque n’a en effet pas manqué d’égratigner avec sa légendaire faconde le Festival de Cannes et les Oscars, ni de réitérer son admiration pour Vladimir Poutine. « Comment ne pas se sentir plus russe que français avec le Président qu’on a en France », a-t-il déclaré en conférence de presse.)

Accueilli par de nombreux rires et chaleureusement applaudi, ce road-movie à la française qui nous emmène sur la route des vins et qui est servi par une cuvée de choc (Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde et Vincent Lacoste) séduit par sa drôlerie et sa tendresse. Comédie mettant en scène des personnages touchants et attachants qui tentent, ensemble et individuellement, de surmonter leur désespoir, Saint-Amour fait rire autant qu’il émeut. (Lire notre chronique complète au sujet de ce film).

BERLINALE SPECIAL

Where to Invade Next de Michael Moore : drôle et intéressant

Le subversif Michael Moore, fidèle à la réputation des américains de planter leur drapeau partout où ils passent, décide d’envahir l’Europe et d’enrichir les États-Unis de ce qui se fait de mieux sur le Vieux Continent. Tel un pèlerin bourlingueur, rêveur et incrédule, le réalisateur américain sillonne donc les moindres recoins de cette terre promise, son voyage l’emmenant même jusqu’aux portes de la Tunisie (pays qui a autorisé légalement l’avortement bien plus tôt que la France ou la Belgique).

C’est avec des étoiles dans les yeux que le cinéaste dresse le portrait de ce que devrait être le pays idéal. Une nation modèle, qui devrait être soucieuse du bien-être et de la bonne santé de ses travailleurs (l’Italie et l’Allemagne), offrir à ses écoliers et à ses étudiants un système éducatif humaniste, efficace et gratuit (la Finlande et la Bosnie), avoir une approche moins répressive de l’emprisonnement dans une perspective de réinsertion sociale des criminels (la Norvège), être capable d’offrir à ses enfants une alimentation quotidienne digne d’un étoilé Michelin (la France), faire davantage confiance à la gestion financière des femmes (L’Islande) ou encore monter sa capacité à affronter son passé frontalement en ne redoutant pas d’admettre publiquement les erreurs funestes de son Histoire (l’Allemagne)…

Le ton de ce documentaire est très humoristique, et c’est probablement ce qui le rend tellement plaisant nonobstant les sténotypes et les clichés qu’il véhicule inévitablement. Il n’a d’ailleurs pas manqué de susciter l’enthousiasme du public berlinois, et l’on gardera en mémoire ce grand moment d’émotion, cet instant de suspension, où une salle comble qui, après une explosion de rire, a littéralement retenu son souffle à l’évocation du congrès nazi de 1935 à Nuremberg.

Visiblement plus destiné à un public américain par son côté didactique et dénonciateur, Where to Invade Next ne manque pas non plus d’intérêt pour les citoyens européens. Michael Moore ne se prive assurément pas d’égratigner les États-Unis mais sa conclusion finale invite néanmoins à une certaine réserve.

A Serious Game de Pernilla August : un film tissé d’une dentelle de délicatesse et de nostalgie

Dans ce film dont l’action se déroule dans les années vingt à Stockholm, la réalisatrice suédoise s’attaque à un sujet souvent porté au cinéma, celui d’une passion extra-conjugale. Nous aurions donc pu nous attendre à être très peu surpris. Pourtant, la grâce avec laquelle les personnages sont façonnés, la délicatesse avec laquelle le sujet est amené, et le halo nostalgique qui nimbe l’atmosphère d’ensemble de ce film, offrent un très joli moment de cinéma.

A Quiet Passion de Terence Davies : trop d’erreurs dignes d’un débutant

Film hommage à l’une des plus grandes poétesses américaines du 19ème siècle (Emily Dickinson), A Quiet Passion disposait potentiellement de tous les ingrédients pour dresser le portrait contrasté d’une femme qui, si elle fut rebelle et excentrique dans sa jeunesse, acheva sa vie dans la solitude et l’amertume.

La première demi-heure de ce film, coproduit par la Belgique, contient des petites pépites cinématographiques : une première scène où l’on découvre une Emily magistrale et impertinente, seule contre toutes, suivie d’un morphing très habilement réussi, et enfin un long travelling suivant le regard de la poétesse sur tous les membres de sa famille. Malheureusement, au fur et à mesure de sa progression, le film s’alourdit, les dialogues deviennent verbeux et pompeux, le jeu des acteurs (dont notamment celui de Duncan Duff) se théâtralise au point d’en devenir insupportable avec l’agonie pathétique de la mère des Dickinson. Que dire également de l’intrusion éclair de la Guerre de Sécession au beau milieu du film par le biais de photos d’époque qui rompent totalement avec l’ensemble esthétique du film ? Enfin, last but not least, le réalisateur semble avoir été incapable de conclure son film puisque ce ne sont pas moins de trois scènes annonçant la fin qui s’enchâssent successivement.

(Christie Hysmans)