Dystopie
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NOCTURAMA

Bertrand Bonello

Vincent Rottiers, Finnegan Oldfield, Jamil McCraven, Manal Issa, Hamza Mezziani...

130 min.
7 septembre 2016
NOCTURAMA

Paris. Ses rues, son métro, son incessant trafic. Douze jeunes se dispersent dans le cœur pulsant de la ville lumière. Ils s’échangent des messages cryptiques, ils se croisent comme s’ils se livraient à une danse effrénée. Ils ont une quête en commun, une quête de sens dans un monde en perte de cohérence, une société déshumanisée et agonisante, une démocratie macabre et vidée de toute substance à leurs yeux. Ils enflamment la ville en s’attaquant à des lieux de pouvoir à la portée hautement symbolique : le ministère des finances, une tour de la Défense et la statue de Jeanne d’Arc... Une fois leur action terminée, ils s’enferment dans un grand magasin et attendent.

C’est avec une intelligence intuitive et une sensibilité d’esthète que Bertrand Bonello (Saint Laurent et L’Apollonide) catapulte le spectateur dans l’un des temples de la société moderne ; une société dont les vibratos intérieurs sont devenus assourdissants et étouffent les bruits et le brouhaha venus de l’extérieur. Semblables aux mannequins de prêt-à-porter qui les entourent, à ces formes humaines dénuées de toute volonté propre et que l’on fait mouvoir à sa guise, ils cèdent aux tentations et aux chimères consuméristes sans y trouver la moindre lueur d’espoir.

Compte tenu du contexte politique actuel, l’on pourrait se laisser à penser que le réalisateur français surfe sur la vague du climat anxiogène dans lequel nous vivons aujourd’hui, et les motivations du film pourraient être à ce titre mal interprétés ou mal perçues. Aussi convient-il de souligner que Nocturama n’est pas un film d’après le 13 novembre puisque le scénario avait déjà été imaginé en 2010. Certes le malaise est prégnant tout au long du film et de nombreuses questions, laissées hors-champ, demeurent en suspens.

Portrait à la fois acide et sensible d’une jeunesse insurrectionnelle, Nocturama est un film choc car il ausculte, à travers des anti-héros qui ont trouvé dans l’autodestruction la seule parade, l’horreur et l’inanité qu’engendre la démocratie lorsqu’elle se désarticule de ses fondements et fait perdre à sa jeunesse tout sens de l’idéal.

(Lucia)