Docu-drame
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UNITED 93

Paul Greengrass (USA 2006 - distribution : UIP)

Lewis Alsamari, Khalid Abdalla

105 min.
5 juillet 2006
UNITED 93

Chacun le sait : n’importe qui peut n’importe où franchir les limites de l’imaginable et pourtant quand cette frontière est franchie chacun continue à être désarçonné comme s’il avait oublié, depuis les monstruosités des siècles précédents, que le barbare et l’inattendu font parties intégrantes de la marche du monde .

« United 93 » retrace, avec une caméra tirée au cordeau, la non soumission des passagers et du personnel de bord au destin qui leur était réservé lorsque leur avion a été détourné, en ce 11 septembre 2001, par des terroristes bien décidés à ce que l’appareil s’écrase sur la Maison Blanche ou le Congrès.

L’idée de Greengrass d’inscrire le film dans une absence de sensationnalisme et de sentimentalisme est soutenue par le refus de présenter les passagers du vol 93 comme des héros.
Ils sont des êtres humains qui choisissent de donner à leur mort annoncée un sens. Non pas celui du sacrifice mais de l’utilité : détourner à leur tour, en l’enrayant par leur réaction surprise, une mécanique de destruction minutieusement préparée.

Le réalisateur, autrefois, reporter pour la série documentaire anglaise « World in action » a gardé de cette époque un souci d’une image honnête, parlant d’elle-même, qui n’a pas besoin de référent esthétique ou éthique. Il a conservé le style qui était le sien dans « Bloody Sunday » à savoir une caméra à l’épaule, extrêmement mobile pour saisir un regard, une expression, une attitude qui concourent à l’intensité dramatique.

Le parti pris d’insérer le récit dans l’exigence du « temps réel » - 105 minutes entre l’embarquement et l’écrasement de l’avion dans un champ de Pennsylvanie -, l’absence d’acteurs célèbres (pudeur bien étrangère à celle d’Oliver Stone qui, pour un film sur un sujet semblable, a fait appel à Nicolas Cage…), les dialogues serrés entre les passagers (opposés à ceux soûlants des contrôleurs aériens - à mes yeux bémol de poids au rythme concentré du film), les lumières naturelles confèrent au film un vérisme, sec et rugueux, proche de celui des chroniques de Villehardouin dans sa description de la 4ème croisade (XIIIe siècle)

« United 93 »- titre hommage à la fois à l’avion détourné et à l’unité qui a soudé ses 44 occupants-
ne porte pas de jugement sur les motivations des terroristes mais choisit de les montrer, à l’égal des passagers, hésitants et terrifiés.
Le seul regard politique du film est plutôt tourné vers l’impéritie des militaires américains qui, engoncés dans leur certitude d’un pays à l’abri de toute attaque territoriale, ont mis un temps incroyablement long à réagir.

Ce docudrame, sans avoir la puissance éloquente parce que muette de la séquence réalisée par Inarittu dans « 11’09’’01 – 11 September », est interpellant parce que, selon l’état d’esprit (tonique ou critique) avec lequel on le voit, il apparaît comme une façon de mettre à distance un événement tragique ou comme la capacité artificieuse de l’Amérique de faire de tout un produit de consommation (m.c.a)