Plus qu’un western
3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

BRIMSTONE

Martin Koolhoven

Kit Harington, Dakota Fanning, Carice van Houten, Guy Pearce...

148 min.
18 janvier 2017
BRIMSTONE

À la fin du dix-neuvième siècle, Liz (Dakota Fanning), une sage femme muette, vit paisiblement avec son mari aimant, leur fille et son beau-fils. L’arrivée d’un révérend inquiétant (Guy Pearce) va mettre Liz et sa famille en danger.

Écrit et réalisé par le Hollandais Martin Koolhoven et construit comme un souvenir que le temps a altéré mais dont la force reste, quant à elle, vive, ‘Brimstone’ se dévoile à travers un crescendo d’effroi. Découpée en chapitres bibliques (l’« Apocalypse », l’ « Exode », la « Genèse » et la « Rétribution ») montés comme un voyage spatial et temporel, la narration impose un rythme et une tension d’une efficacité implacable.

À la croisée du western crépusculaire et du thriller, porté par un casting international impeccable (mention spéciale à la jeune Emilia Jones) et une esthétique appuyée (photographie léchée, musique tonitruante, captation des grands espaces), ‘Brimstone’ – titre qui fait référence aux flammes de l’Enfer mais aussi au western réalisé par Joseph Kane en 1949 – semble s’inscrire dans la lignée d’un héritage américain facilement identifiable. On pense, par exemple, à ‘The Night of the Hunter’ (1955) de Charles Laughton et à ‘Unforgiven’ (1992) de Clint Eastwood. Pourtant, le parcours de combattante de Liz, l’héroïne, dans une société et un genre cinématographique régis par les hommes, la déferlante de violence – souvent insoutenable – ainsi que la critique ardente de l’hypocrisie religieuse (« Beware of false prophets, they are wolves in sheep’s clothing » martèle le révérend) témoignent d’une audace et d’une liberté assez uniques. Ceci explique sans doute pourquoi Koolhoven a préféré opter pour un financement en coproduction européenne plutôt que d’accepter l’offre de grands studios américains.

De la capacité du cinéma à créer des images qui collent à la rétine comme à la peau (boyaux à découvert, mutilation, viol, inceste), le réalisateur use pour déployer tout un symbolisme des sévices (intimes et publics) infligés aux femmes et/ou à ceux qu’elles aiment. Pour ce faire, le film épargne peu de choses à son spectateur et oublie quelques fois d’interroger les limites que ce type de représentations sous-tend. Car, si en définitif ‘Brimstone’ résonne comme un cri de résistance féminine et un refus de victimisation, il n’évite pas certains pièges (cf. l’opposition hasardeuse qui est établie entre le personnage de Liz qui se révolte et celui de sa mère qui « accepte » sa condition) et se complait par moments dans sa posture d’« œuvre percutante ».

Néanmoins, ces quelques réserves ne doivent pas occulter la puissance du film, ni cette rage folle qu’il convoque pour rendre la parole à celles, trop nombreuses, que l’Histoire a, par divers moyens sadiques que le métrage illustre, voulu museler. En filmant le passé comme une hyperbole de cruauté et un combat au nom du futur, ‘Brimstone’ marque au fer rouge. Parfois à ses dépens et en manquant de finesse, mais jamais gratuitement. On retrouve chez Koolhoven la même hargne que chez Verhoeven, un autre « Hollandais violent », et on ne s’étonne dès lors pas des réactions extrêmement contradictoires que ‘Brimstone’ a pu susciter auprès des critiques à la dernière Mostra de Venise où il était présenté en Sélection officielle.


Katia Peignois