Sortie Netflix
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OKJA

Bong Joon-ho

Tilda Swinton, Paul Dano, Ahn Seo-Hyun, Jake Gyllenhaal, Steven Yeun, Byun Hee-Bong, Daniel Henshall, Lily Collins

118 min.
28 juin 2017
OKJA

Certains films n’obtiennent pas toujours la reconnaissance qu’ils méritent. Ce fut le cas d’« Okja », film du réalisateur coréen Bong Joon-ho (« Snowpiercer », « The Host ») qui se retrouva au centre d’une polémique au Festival de Cannes. Le président du jury, Pedro Almodovar, avait affirmé qu’il ne se voyait pas remettre la Palme ou un prix à un film qui ne pourrait pas être montré sur grand écran. Tandis que le Festival de Cannes a décidé d’adapter son règlement en incluant une nouvelle clause comme quoi dorénavant, tout film qui souhaite concourir en compétition à Cannes devra s’engager à être distribué en salles. Cette décision fut prise suite à la colère qu’a suscitée Netflix auprès des exploitants en déclarant que le film ne sortirait pas en salles. Néanmoins, quand on sait qu’en France, la réglementation qui encadre la diffusion des films, impose un délai de trois ans entre la sortie en salles d’un film et sa disponibilité sur une plateforme de streaming, on est en mesure de comprendre le choix du géant américain. Si beaucoup d’entre nous estiment qu’un film ne doit se voir qu’au cinéma, la réalité est différente. Les habitudes des spectateurs changent, de plus en plus de films sont disponibles ailleurs qu’au cinéma et à un moment donné, il faudra bien que les festivals s’adaptent et que la chronologie des médias fasse l’objet d’une révision.

Pendant dix années idylliques, la jeune Mija s’est occupée sans relâche d’Okja, un énorme animal au grand cœur, auquel elle a tenu compagnie au beau milieu des montagnes de Corée du Sud. Mais la situation évolue quand une multinationale familiale capture Okja et transporte l’animal jusqu’à New York où Lucy Mirando, la directrice de l’entreprise, a de grands projets pour le cher ami de la jeune fille. Sans tactique particulière, mais fixée sur son objectif, Mija se lance dans une véritable mission de sauvetage. Son périple éreintant se complique lorsqu’elle croise la route de différents groupes de capitalistes, démonstrateurs et consommateurs déterminés à s’emparer du destin d’Okja, tandis que la jeune Mija tente de ramener son ami en Corée.

« Okja » nous invite à réfléchir à notre mode de consommation alimentaire et à l’impact que celui-ci peut avoir sur les animaux, à partir d’une histoire basée sur l’amitié entre une petite fille nommée Mija et une super truie transgénique répondant au nom d’Okja. Au casting, on retrouve des acteurs confirmés tels que Tilda Swinton en PDG narcissique, Jake Gyllenhaal dans le rôle du Dr. Johnny Wilcox, une personnalité de la télévision, ainsi que Paul Dano en défenseur des droits des animaux. Mais la véritable surprise vient de l’interprétation de la jeune et prometteuse Ahn Seo-hyun. Cette actrice sud-coréenne âgée de treize ans porte à elle seule la charge émotionnelle du récit à travers le personnage de Mija, cette petite fille qui dégage une force de conviction et qui n’a pas peur d’aller à l’encontre des adultes pour sauver Okja.

Bong Joon-ho s’amuse à mélanger les genres (science-fiction, drame, satire, burlesque, fable, etc.) et à bousculer les tons pour faire d’ « Okja » une œuvre complexe et paradoxale. Ce contraste qui existe entre les séquences est également présent à l’intérieur des scènes qui les composent. Les discours des personnages sont contrebalancés par une mise en scène qui vient dévoiler leur supercherie. Car il ne suffit pas d’écouter pour comprendre, il faut aussi avoir l’œil et pouvoir observer, même si ces éléments sont présents de manière suffisamment voyante pour ne pas les louper. Il est clair qu’ « Okja » n’est pas le film le plus subtil qui soit, mais si cela permet de toucher un plus grand public, il n’y a aucune raison de ne pas s’en réjouir.

Une des grandes réussites du film est d’être parvenu à faire en sorte que le spectateur s’attache à Okja, ce monstre transgénique qui ressemble davantage à un hippopotame aux oreilles de cocker, plutôt qu’à un cochon. C’est en quelque sorte la mission que remplit la séquence qui arrive juste après le prologue. Ce moment où l’on découvre Okja et Mija dans les montagnes de la Corée du Sud. En quelques minutes, le cinéaste dresse un portrait touchant de cette créature intelligente, aimante et dotée de sensibilité. Après cela, chaque fois qu’un être humain malmènera Okja, si nous sommes dotés d’un minimum d’empathie, nous ne pouvons qu’être touchés par ce qui va lui arriver par la suite. Une autre force du film est d’avoir placé l’humain et l’animal sur un même niveau. Okja et Mija sont toutes les deux victimes de cette multinationale qui ne vise qu’à faire du chiffre.

Au final, peu importe qu’un festival de renommée mondiale ait décidé de ne pas attribuer de prix à « Okja », le public lui donnera la reconnaissance qu’il mérite. Il semblerait aussi qu’une suite soit prévue, du moins c’est ce que nous laisse supposer la scène post-générique du film.

(Nathalie De Man)