GABRIELLE

Ce film est à la fois protocolaire et infiniment triste.

Il parle du manque affectif et physique chez un couple tellement à l’abri du besoin matériel qu’il en a perdu toute notion de désir.

Lui, Jean est un grand bourgeois du début du XXe siècle (mais l’époque, si ce n’est qu’elle sert de cadre à de somptueux décors, pourrait être n’importe laquelle tant la portée du film est universelle) engoncé dans la bienséance au point d’en fuir toute authenticité émotionnelle.

Elle, Gabrielle, a perdu toute sa sensualité et sa sensibilité à force d’être « piédestalisée » par son époux comme le plus bel objet de sa collection.

Eux vivent machinés à un code social strict, dans une maison-mausolée dans laquelle les seuls éléments porteurs de lumière semblent être les domestiques (toutes des femmes) dont le metteur en scène chorégraphie les déplacements comme s’ils étaient un contrepoint à l’immobilisme mortifère des maîtres.

Un soir, Gabrielle ne rentre pas. Elle a laissé une lettre sèche et courte dans laquelle elle annonce son départ. Pourtant elle reviendra, le même soir, ne demandant ni pardon, ni compréhension.

De marmoréenne, la relation entre les époux va devenir sanglante, non pas dans la violence physique comme dans « La guerre des Rose » qui voyaient s’affronter Michael Douglas et Kathleen Turner mais dans une rhétorique délibérément blessante et cruelle.

Elle (Isabelle Huppert) corporalise avec infiniment de justesse la douleur d’être une femme cadenassée sur elle-même et lui (Pascal Greggory) nourrit de son talent le bouleversement d’un homme qui, perdant son habituel et hautain contrôle des situations, découvre sa capacité à être vulnérable et désespéré.

« Gabrielle » est un film magnifique qui allie incandescence et rigidité et qui surprend par son originalité formelle qui prend le meilleur des différentes techniques cinématographiques et théâtrales. (m.c.a)