Film de guerre
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INDIGENES

Rachid Bouchareb (France-Maroc-Algérie-Belgique 2006 - distributeur : Belga Films)

Jamel Debouzze, Roschy Zem, Sami Nacéry, Sami Bouajila, Bernard Blancan

120 min.
4 octobre 2006
INDIGENES

Qu’ajouter de neuf au torrent d’interventions écrites, radiodiffusées, télévisées, websitées sur ce film ?

Pas grand-chose si l’on se contente de faire chorus à la noble intention d’ « Indigènes » de restaurer entre la France et ses 120.000 soldats africains un lien de reconnaissance qui n’aurait jamais dû être interrompu. Un peu plus si à l’approche frontale on privilégie l’approche périphérique qui englobe à la fois questions et observations.

D’abord un étonnement : pourquoi certains films bénéficient-ils d’une sortie à ce point médiatisée que le spectateur lambda se sent aimanté, sous peine d’être considéré comme « un-plugged », à aller là où le conduisent ce que Brassens appelaient les trompettes de la renommée ?
Quand il est de qualité, on peut accepter, au nom d’une certaine légitimité, ce battage médiatique mais quand ce n’est pas le cas (« World Trade Center ») on est en droit de se demander pourquoi il n’existerait pas une charte du spectateur qui, à l’égal d’une déclaration des droits de l’homme, le protégerait des intrusions d’un marketing agressif en proclamant que les films ont les droit et devoir d’être égaux en visibilité publicitaire ré-distributionnelle.

Ensuite un constat : « Indigènes » est reconnu comme un film et en tant que tel il a été sélectionné pour être projeté à Cannes lors de son festival 2006. Pourtant sa frontière avec un télé-film conçu pour un écran-témoin est ténue : primauté de l’histoire - la reconquête de la France occupée des années 1943/44 par des troupes issues des colonies - aux dépens d’une schématisation psychologique de ses personnages qui, néanmoins, ont été collectivement récompensés par le prix d’interprétation masculine.

Dans cette distinction quelle est la part qui revient à la composition sombre et sobre du quatuor Zem/Debouzze/Naceri/Bouajila (*) et à l’impensabilité de ne pas honorer, en cette époque dont Pascal Bruckner fustige la promptitude à la repentance, un film qui vise à réparer une injustice historique ?

Enfin « Indigènes » n’est pas qu’un film, il est aussi présenté comme un plaidoyer qui part d’une réalité - des volontaires des colonies deviennent tirailleurs ou goumiers pour défendre la France contre la barbarie nazie – pour asseoir une fiction qui à son tour va susciter une nouvelle réalité à savoir l’abrogation de la loi de 1959 privant de leurs retraites militaires les anciens soldats d’Afrique en illégale réponse à l’accession à l’indépendance de leurs pays.
Remettons à ce sujet les choses à leur juste place : ce n’est évidemment pas sur la seule foi du film que le gouvernement envisage de faire un geste, c’est aussi et surtout sous la menace d’une condamnation par la Cour Européenne des Droits de l’homme.

Le succès de ce film ne doit pas faire oublier que l’intérêt du cinéaste pour les parcours d’hommes déchirés (*) entre terre d’élection et terre natale ne date pas d’« Indigènes ». Son deuxième métrage, « Cheb », dépliait déjà cette problématique. De la même façon mérite d’être soulignée la récurrente capacité d’engagement de Bouchared qui est, depuis « la vie de Jésus » le producteur des films de Bruno Dumont dont la radicalité n’a jamais été synonyme de retours assurés sur investissements. Ce qui fait de lui un réalisateur plus accroc à la détermination qu’au fatalisme. (m.c.a)

 
(*) pourquoi en avoir exclu celui dont le rôle est le plus complexe, Bernard Blancan dans le rôle d’un sergent pied-noir autoritaire ?
(*) un sujet que Philippe Faucon développe avec intelligence dans son « Trahison » sorti cet été dans le cadre de l’Ecran-Total (voir « Chroniques » Cinefemme du 17 juillet 2006)