Road movie
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Coup de coeurC’EST BEAU UNE VILLE LA NUIT

Richard Bohringer (France 2006 - distributeur :Victory Films)

Richard Bohringer, Romane Bohringer, Robinson Stevenin, François Negret

90 min.
15 novembre 2006
C'EST BEAU UNE VILLE LA NUIT

Ce film est à l’image de son réalisateur : chaleureux, brouillon, tendre, imprécis et lyrique.
Pas de fil conducteur mais une succession d’élans, de coups de cœur, de souvenirs égrenés avec une désarmante sincérité.

Le monde vu par les yeux bleus et battus de Bohringer est rempli de copains (prestations désarmantes de Jacques Spiesser, Daniel Duval, Annie Cordy, Annie Girardot)), de musique qui fait la part belle aux rythmes africains (une alliance avec Yannick Noah serait l’occasion du bœuf de l’année), de bateaux souvent ivres comme chez Rimbaud et de ce spleen baudelairien dont la douceur et l’amertume accompagnent l’écoute des souvenirs lointains (*)

« C’est beau… » se situe loin du cinéma professionnel, il a ce quelque chose de la grâce et de la maladresse des films d’amateurs, de ceux qu’on réalise en famille pour capter une trace de la vie qui passe, pour raconter des existences qui, malgré leur banalité, ont ce précieux du ton juste parce que viscéralement authentique.

Depuis « L’accompagnatrice » de Claude Miller, Bohringer n’avait plus eu l’occasion de tourner avec sa fille Romane. C’est avec bonheur que l’on retrouve, à l’écran, ces deux êtres qui se ressemblent tellement par leur aisance à incarner le hors-jeu et le décalé. Ils s’aiment ces deux-là et plus que de se voir ça se ressent.

Loin d’une structure narrative linéaire ou d’un profilage psychologique souvent hasardeux, « C’est beau… » propose des ébauches, des débuts qui à l’aide de touches légères et colorées - comme celles que Vuillard déposait sur sa toile - dessinent les turbulences d’une âme qui souffre autant qu’elle s’enflamme.

Aussi pudique que le Pello du « Grand chemin » de Jean-Loup Hubert , aussi compassionnel que le Julien du récent « Le poulain » d’Olivier Ringer, Bohringer convainc par ce portrait de lui-même (et des autres) dessiné non pas à la pointe sèche de la cohérence mais à celle plus palpitante des émotions.

Son film n’est pas un copié-collé de ses romans et pourtant il en respecte les fulgurances et le tempo chaloupant et nomade entraînant son lecteur/spectateur dans une errance géographique qu’unifient une incroyable envie de vivre (malgré la drogue, malgré l’alcool, malgré la déprime) et un goût inné pour les rencontres humaines. (m.c.a)

(*) le sonnet " La cloche fêlée"