Chronique dramatique
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Coup de coeurPINGPONG

Matthias Luthardt (Allemagne 2006 - distributeur : Imagine Film Distribution)

Sebastian Urzendowsky, Marion Mitterhammer, Clemens Berg

89 min.
24 janvier 2007
PINGPONG

Par quel hasard cette onomatopée « Ping-pong » est-elle devenue synonyme d’un jeu plutôt tranquille qui se pratique, à l’extérieur ou à l’intérieur, entre 2 ou 4 joueurs qui se renvoient une petite balle ronde qui peut faire mal lorsqu’elle est frappée avec l’intention - la visée dirait les phénoménologues - de gagner ou de blesser ?

Dans quel but Paul, un adolescent de 16 ans, débarque-t-il sans prévenir chez son oncle Stephan ?

Est-ce pour tenter de se réparer, de se reconstituer après le suicide de son père - c’est le côté pong du film, cette puanteur qui se dégage de ce qui est en train de pourrir, que ce soit les cadavres ou les familles en train de se faisander parce que l’amour et le respect du désir de l’autre n’existent pas (ou plus).

Sous le regard de Paul, les névroses qui soudent le trio composé de Stephan, Anna son épouse et Robert leur fils, mélomane transformé en bête-à-concours par des parents accrochés à une ambition maladive, émergent lentement mais impitoyablement comme une tumeur se dessine sur le fonds éclairé d’une valve de lecture radiographique.

Anna vivra avec Paul une brève aventure qui, sexuelle pour elle, sera ressentie par l’adolescent sur un mode plus affectif. Distorsion des points de vue qui souligne la fragilité de l’un et la frigidité de l’autre, incapable d’aimer qui que ce soit hors un schnauzer dénommé Schumann.

Avoir donné au chien un nom de famille qui, accolé au prénom du fils, fait écho à la vie tragique de Robert Schumann est une de ces trouvailles linguistiques signifiantes qui enferment le propos de « Pingpong » dans un huis clos cruel, même si sa forme en est toujours élégante et retenue.

La tension des rapports entre Paul et les autres, faite d’attraction et de répulsion, rendra impossible le maintien du vernis social qui, jusqu’à présent, a préservé la famille de l’éclatement - c’est le côté ping du film, ce cinglement des faux semblants qui rappelle la violence de l’intrusion de Spencer Tracy(« Un homme est passé » de John Sturges) dans un petite ville des Etats-Unis ou de Terence Stamp (« Théorème » de Pasolini) dans une riche famille italienne.

La caméra de Luthardt (dont ce film, il faut le souligner tant il témoigne d’une maturité scénaristique et formelle est celui qui clôt ses études à l’école de cinéma de Babelsberg) frappe par sa sécheresse qui met à distance émotions et questionnements psychologiques.

Peu de dialogues, une quasi-absence de musique, des couleurs froides qui, à travers une histoire
familiale, portent sur l’Allemagne un regard décapant, parfois haineux.

Un style, une radicalité, un intérêt serré pour les personnages, signent la recherche d’un ton cinématographique nouveau non seulement en Allemagne (*) (« Requiem » de Hans-Christian Schmidt », « Das leben der anderen » de Florian Henckel von Donnersmarck) mais aussi ailleurs (« Nue-propriété »(**) de Joachim Lafosse, « Man push cart » de Ramin Bahnari, « 13 tzameti » de Georges Babluani, « The river » de Ming-liang Tsai , etc…) (m.c.a)

(*) Voir le bel article sur « Le renouveau du cinéma allemand » dans le magazine « Positif » du mois d’avril 2006.
(**) film dans lequel le ping-pong est un repère relationnel entre deux frères