Drame historique
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DAS LEBEN DER ANDEREN

Florian Henckel von Donnersmarck (Pays-Bas/Allemagne 2007-distributeur : ABC)

Martina Gedeck, Ulrich Mühe, Sebastian Koch

137 min.
31 janvier 2007
DAS LEBEN DER ANDEREN

« La vie des autres » se trouve au confluent de deux courants majeurs du 7ème art actuel.
Il défend la nouvelle alliance cinéma et politique qui constitue, depuis quelques années, (*) une riche alternative à la fonction divertissante du grand écran.
Et il signe le renouveau du cinéma d’Outre-Rhin qui, avec son celui de Roumanie, porte un regard à la fois exigeant et lucide sur la modernité européenne.

Gerd Wiesler est un fonctionnaire de la Stasi, la redoutable police politique de l’Allemagne de l’Est. Il se voit confier la mission de surveiller un auteur dramatique en vue.

Au fil des perquisitions, mises sur écoutes et filatures diverses, Wiesler va découvrir qu’il existe une vie à laquelle il ne connaît rien. Une vie où l’on crée, où l’on rit et où l’amour se fait avec amour.

Par la grâce de Bertold Brecht dont il découvre la poésie et d’une sonate de Beethoven, l’Appasionata, il prend conscience de la pauvreté affective et relationnelle de sa vie. Il prend « Le goût des autres » pour reprendre ce titre profondément humain d’un film qui l’est tout autant d’Agnès Jaoui.

Il comprend aussi que les motifs de sa surveillance ne reposent sur aucune idéologie, mais sur le désir d’un ministre d’entretenir avec la femme du dramaturge des rapports sexuels.

Cette prise de conscience, lente mais descillante sur la perversion d’un régime qui, pour survivre, se doit de ne pas respecter l’être humain, le conduit à éprouver un sentiment (peut-être le premier de sa vie ou de sa vie de fonctionnaire) de solidarité avec sa proie.

Des interprètes de premier ordre (une prime pour Martina Gedeck et Ulrich Mühe), un parti pris de cadrer froid et dur (à l’image des rues désertes et lugubres du Berlin Est des années quatre-vingt), une géométrie scénaristique intelligente qui permet à divers destins de s’interpénétrer sans perdre de leur force illustrative font de la « La vie des autres » un film captivant et interpellant.

Georges Orwell et son Big Brother ne sont jamais loin, ainsi que les souvenirs d’un Gene Hackmann, qui, casque sur les oreilles, épie dans le film de Coppola « The conversation » des échanges qui ne lui sont pas destinés.

Références qui soulignent l’universalité de l’envie de s’approprier la vie d’autrui et la facilité, pour un système dictatorial, d’obtenir des individus une servilité dont la base repose sur leurs penchants sadiques ou paranoïaques.

Sans prise de conscience et réflexions personnelles, aucune fissure n’entachera ce sens absurde de l’obéissance.

C’est pourquoi Wiesler, dès le moment où il devient réceptif à un questionnement individuel, devient aussi une sorte d’agent annonciateur du premier coup de pioche qui lézardera, 5 ans plus tard, les certitudes totalitaires sur lesquelles avait été rédigé un mur qui avait bien mérité son surnom de « honte » (m.c.a)

(*) « Le caïman » de Nanni Moretti, « Munich » de Spielberg, « Syriana » de Stephen Gaghan …