Drame sentimental
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SEHNSUCHT (Prix Cinédécouvertes 2006)

Valeska Grisebach (Allemagne 2006 - distributeur : Beeck Turtle)

Andreas Muller, Ilka Weltz, Anette Dornbusch

88 min.
9 mai 2007
SEHNSUCHT (Prix Cinédécouvertes 2006)

Bien loin d’un cinéma qui tend à évacuer le sens de sa mise en scène au profit d’un seul effet spectaculaire et médiatique, ce film, le deuxième long métrage de fiction de Grisebach, est le fruit d’un travail précis, minutieux sur une sensation, die « sehnsucht », à mi chemin entre le désir et la langueur.

Ella et Markus se connaissent depuis l’enfance. Ils vivent un bonheur tranquille jusqu’au moment où, Markus parti en week-end de formation avec les pompiers bénévoles de son village, rencontre une autre jeune femme avec laquelle il va vivre une liaison complexe.

Complexe parce qu’à la fois physiquement passionnée et moralement culpabilisante.
Enferré dans une aventure apparemment sans issue, il est entraîné, à la fois complice et réticent, dans une spirale (auto)destructrice.

Est particulièrement intéressant le regard, plus minimaliste que clinique, posé par la jeune réalisatrice sur cet état d’irrésolution sidérante qui empêche Markus d’être fidèle aux idéaux de droiture et de simplicité qui ont été, longtemps, les assises de sa vie de couple.

Avec un souci de réalisme, rappelant la documentariste qu’elle a été, Valeska Grisebach va, à l’aide de cadrages au cordeau, cerner l’évolution d’un homme que sa placidité naturelle ne protégera pas d’une existentielle tourmente émotionnelle.

Montrés avec délicatesse, les sentiments des personnages, tantôt tendus tantôt fragiles, touchent parce qu’ils sont incarnés par de jeunes comédiens non professionnels qui savent colorer leur partition d’une chaleur humaine qui n’exclut ni âpreté ni ironie.

« Sehnsucht » est remarquable à un autre point de vue. Il décrit, avec une précision presque romantique, les gestes répétitifs d’un homme au travail (*). Markus est serrurier et la façon dont la réalisatrice le filme dans sa quotidienneté opérative est une forme d’hommage à une classe sociale rarement valorisée, à l’écran, pour ce qu’elle est : celle des ouvriers qui mettent un point d’honneur à bien faire leur tâche.

Film des tiraillements entre pulsions du corps et affects, entre le caractère rassurant d’un petit village préservé de toute modernisation agressive et le mystère d’un final déroutant et ouvert à l’interprétation de chacun, « Sehnsucht » fait penser à ses nouvelles de Raymond Carver dans lesquelles de l’anodin peut à tout moment surgir une force dystonique. (m.c.a) 

(*) Bernard Paul a accordé une attention tout aussi qualitative à la conduite de Fréderic de Pasquale, lorsque, dans « Le temps de vivre », il s’occupe de ses appareils photos.