A voir avec les ados
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Coup de coeurET TOI, T’ES SUR QUI ?

Lola Doillon (France 2007 - distributeur : Victory Films)

Lucie Desclozeaux, Christa Theret, Gaël Tavares, Nicolas Scheri

90 min.
3 juillet 2007
ET TOI, T'ES SUR QUI ?

Autre temps, autre position.
Il y a vingt ans, les fébrilités amoureuses de l’adolescence se déclinaient en position verticale. L’expression, à l’époque familière, en porte témoignage : « Et toi, tu marches avec qui ? ».

En 2007 ces mêmes émois se conjuguent à l’horizontal : « Et toi, t’es sur qui ? ».

Qu’ils soient vécus debout ou allongés finalement importe peu. Ce qui transcende et unifie les questionnements d’hier et d’aujourd’hui (« Est-ce que c’est lui ? », « Pourquoi pas elle ? ») c’est leur classique répétition. Qui rappelle les chassés-croisés de cet éternel « Jeu de l’amour et du hasard » auquel, en 1730, Marivaux donnait une première consistance.

Le film de Lola Doillon n’a pas la maîtrise de la célèbre pièce de théâtre, mais - et pour un premier film c’est pas mal du tout - il en a la pureté de récit qui n’exclut pas la profondeur dans l’analyse des sentiments.

Le casting de ce premier long métrage est étonnant. Notamment l’interprétation des deux jeunes actrices qui séduisent par une énergique sensibilité à traduire les attirances - répulsions vis-à-vis de l’autre sexe. Celui dont on découvre qu’il est usine à fantasmes mais aussi capable de trahison et de tendresse inattendues.

Le dernier échange de sourires, en ultime image du film, est un joli cadeau adressé aux spectateurs. Comme celui de la pirouette de Valérie Lemercier, après sa nuit avec Vincent Lindon dans « Vendredi soir » (*) de Claire Denis. Ce sont là des assertions de confiance dans un présent où les femmes et les hommes peuvent se comprendre, même sans se parler et être proches sans nécessairement se toucher.

Lola Doillon a l’audace de rompre avec le récit d’amours adolescentes qui se passent en milieu favorisé (« Dreamers » de Bertolucci) ou moins favorisé (« L’esquive » de Abdel Kechiche).

Elle plante sa caméra en province (à Angoulême) lors du stage professionnel qui clôt l’année scolaire dans un lycée technique. Ses personnages ne sont pas des délinquants, ils ne se droguent pas - un petit joint peut-être de temps en temps qui, comme leur façon de parler, est plus un repère de génération qu’une véritable addiction. 

Ils ne semblent pas provenir de familles dysfonctionnelles, quoique très peu soit suggéré quant à leur milieu d’origine - l’essentiel de la cinéaste n’est pas de les saisir dans leur réalité sociale mais dans leur envie individuelle de perdre leur virginité. Façon pour eux d’exprimer un désir de vivre en s’explorant dans une dimension qu’ils ne connaissent pas : celle de la relation sexuelle à l’autre.

Découverte filmée avec un confondant naturel, éloigné de toute idéalisation ou banalisation, avec une grammaire de la mise en scène simple et toujours juste, scandée par une bande son qui épouse comme un gant l’aspect "montagnes russes" de l’amour tel qu’on le ressent à 15 ans (**)

Bien que déjà trentenaire, Lola Doillon réussit la prouesse d’être proche de ses cadets, par la compréhension qu’elle a de leur intimité de cœur et de corps, et de ses aînés chez lesquels elle réveille, sans nostalgie mais avec un doux plaisir, le souvenir de ce temps où "la première fois" occupait tout l’esprit. (m.c.a)

(*) qui est, aussi, un bref et intense roman d’Emmanuelle Bernheim paru aux éditions Folio
(**) l’âge de l’héroïne de "La fille de 15 ans" de Jacques Doillon, le père de Lola