INTERVIEW

Selon le Petit Robert, une interview est une entrevue au cours de laquelle un journaliste interroge une personne sur sa vie, ses projets, ses opinions dans l’intention d’en porter le contenu à l’attention d’un public.

Selon Steve Buscemi c’est un pensum qui oscille entre ennui à peine déguisé et jeu de massacre.

Journaliste de renom mais momentanément sur la touche, Pierre se voit confier la tâche, qu’il estime indigne des talents qu’il se reconnaît, d’interroger Katya, une vedette de séries télévisées nullissimes selon ses critères d’intellectuel rogue et élitiste.

La vedette, c’est Sienna Miller. Que l’on prend plaisir à voir - elle est très à l’aise dans son personnage de « jolie-blonde-qui-quoique-censée-être-sans-cervelle-est-plus-fûtée-qu’on-le-croit - et à découvrir en manifeste progrès depuis son interprétation de Francesca dans le Hällstrom’s « Casanova ». On attend, avec curiosité, sa prestation dans l’adaptation pour le cinéma de la pièce de théâtre d’Oscar Wilde ,« A woman of no importance », par Bruce Beresford.

« Interview » est un intéressant prototype du « face-to-face movie » parce qu’il présente à la fois les qualités et les défauts du genre.

La quasi unité de lieu, de temps et d’action, le duo d’acteurs bien huilé, l’équilibre entre insignifiance et pertinence des dialogues compensent, sans les faire oublier, les nécessités -bavardes et parfois monotones du théâtre filmé - qui ôtent à l’intrigue tempo et naturel.

La fin du film, du type « qui-est-pris-qui-croyait-prendre » rappelle la surprise de « Deathtrap » de Sydney Lumet et justifie que, même s’il se surprend parfois à bailler, le spectateur a intérêt à ne pas quitter son siège avant la quatre-vingt troisième minute.

« Interview » est le remake d’un film réalisé en 2003 (*) par Théo van Gogh, avec dans les rôles titre Katja Schuurman et Pierre Bokma. Il est aussi et surtout une réflexion piquante (et très arrosée...) sur deux métiers. Celui de journaliste (**) tenté par le manque de professionnalisme et la condescendance (***) à l’égard d’une certaine presse people. Et celui de star du petit écran épinglé avec un sens de l’auto dérision tantôt cruel tantôt joyeux.

Si ce film vous a mis en appétit de dialogues brillants et amusants, vous serez intéressés par les entretiens accordés par la plupart des stars américaines au sémillant James Lipton dans la célèbre émission télévisée « Inside the Actors Studio » reprise sur BEtv. Productions dans lesquelles il n’est pas question de ruse ou de méfiance mais de bonne humeur et d’intelligence. (m.c.a)

(*) un an avant son assassinat par un fanatique islamiste.
(**) le cinéma n’est pas tendre, cette semaine, envers les hommes de presse. Dans "Ratatouille" il le rend sinistre, dans « Interview », il le voit présomptueux. En rupture totale de ton avec la légèreté d’un Gregory Peck, en journaliste sportif dans « Designing woman » de Vincente Minnelli…
(***) parfois proche du cynisme de Kirk Douglas dans « Ace in the hole » de Billy Widler