Coup de coeur
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Coup de coeurBEFORE THE DEVIL KNOWS YOU ARE DEAD ou 7H58 CE SAMEDI LA

Sidney Lumet

Albert Finney, Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke, Marisa Tomei

115 min.
16 janvier 2008
BEFORE THE DEVIL KNOWS YOU ARE DEAD ou 7H58 CE SAMEDI LA

« Quand l’enfant paraît, le cercle de famille applaudit » (Victor Hugo)
« Quand l’enfant grandit, le cercle de famille pourrit »

Octogénaire dopé par un scénario à couper le souffle, Sidney Lumet est de retour et en grande forme.

Après un bien pâlot « Gloria » dans lequel Sharon Stone n’arrivait pas à la cheville de Gena Rowlands, il nous propose, avec « Before… » l’un de ses meilleurs films et l’une de ses histoires les plus traumatisantes. Celle de deux frères complices - comme dans le « Cassandra’s dream » de Woody Allen - d’un coup qui tourne mal.

D’un coup qui, comme la première pièce d’un domino, entraîne toutes les autres dans une inexorable chute que rien ni personne ne pourra arrêter.

Quand l’immaîtrisable prend les commandes, le diable est certainement de la partie.

La périphérie de New-York. Un samedi matin. Lors du vol de sa bijouterie, une commerçante mortellement blessée a le temps d’abattre son agresseur. Rien de bien original si ce n’est que le hold up a été commandité par ses fils.

Un expert-comptable qui sait que le fisc est, pour malversations, à ses trousses. Et un paumé incapable d’assumer ses responsabilités d’adulte, de père et d’époux.

Deux formes d’échecs qui pataugent dans les frustrations, les ratages, les problèmes d’argent.
Deux losers, l’un en costume-cravate, l’autre en jeans-baskets prêts à tous les péchés véniels et capitaux par cupidité ou paresse, cynisme ou infantilisme.

Deux êtres en perdition comme si le décès de la mère accélérait la perte des repères de conscience ou de sens moral et inaugurait, par la disparition de sa présence tutélaire, une irrépressible série d’assassinats.

Descente dans les fosses (spectateurs chaussez vos bottes d’égoutier) des âmes, gros plans sans concession sur des visages cabossés de peur, de haine et de désarroi, utilisation des corps à la fois comme moyen de destruction et de sanction, « Before… » cogne dur et net.

Il fait mal parce qu’il saccage les illusions, les mirages sans lesquels la notion de famille est réduite à un territoire de violence, de silences et de châtiments qui la rendent proche de la barbarie de ces autres lignées qui ont pour nom Corleone, Atrides, Plantagenêts ou Capétiens. (*)

Mise en scène classique, montage saccadé qui suit les hausses de tension artérielle des personnages, interprétation au cordeau avec trois acteurs géniaux qui savent restituer à leur rôle sa part de tragique, d’ignoble et de fatal.

Lumet aime parler de son film comme d’ « un mélodrame criminel » (**) Il a raison.

Mais il n’est pas que cela. Il est une magistrale saisine des ombres qui nous hantent et qui en ricochant sur celles des autres embrasent les relations humaines des feux d’un enfer dont on ne revient pas.

Chez Lumet il n’y a pas d’Abel. Il n’y a que des Caïn. (m.c .a)

(*) respectivement « The Godfather I, II, III » de Francis Ford Coppola, « L’Iliade » d’Homère, « Richard III » de Shakespeare et Sir Laurence Olivier, « Les rois maudits » de Maurice Druon et Claude Barma
(**) Magazine Positif d’octobre 2007 page 26