Drame familial et politique
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CARTOUCHES GAULOISES

Medhi Charef (France 2007 - distributeur : Alternative Films)

Mohamed Faouzi Ali Cherif, Thomas Millet, Zahia Said

92 min.
30 janvier 2008
CARTOUCHES GAULOISES

Raconter l’Histoire à travers son histoire. Vraie ou fausse bonne idée ?

Après avoir évoqué, il y a vingt-quatre ans, dans « Le thé au harem d’Archimède », Prix Jean Vigo 1983, son adolescence en banlieue française coincée entre des parents émigrés et des zonards, Mehdi Charef continue à prendre appui sur son expérience personnelle pour nous livrer une chronique sur les années difficiles d’une fin d’enfance.

Au printemps 1962, l’Algérie attend la déclaration de son indépendance. Elle a gagné la guerre. Du haut de ses onze ans, Ali - en réalité Mehdi Charef - observe une société en pleine débâcle.

Son travail de vendeur de journaux lui permet de fréquenter toutes les couches d’une société divisée en deux - les colons et les fellaghas, les militaires et les prostituées, les Pieds-Noirs et les Arabes.

Sa réceptivité à fleur de peau lui permet de comprendre que plus jamais les choses ne seront ce qu’elles ont été. Que le temps est venu de se séparer de ce qui a fait jusqu’à présent sa vie : ses amis, ses professeurs, ses clients.

Entre les peurs des Français restés à Alger, les humiliations des autochtones, les brutalités de l’armée, le jeune Ali prend conscience de l’absurdité d’un monde qui s’enfonce dans l’horreur et le gâchis.

Quoique porté par un épatant jeune acteur aux épaules frêles mais à l’âme lumineuse, « Cartouches … » ne convainc pas entièrement. Comme si l’émotion dans le regard du cinéaste ne lui permettait pas de tenir sa caméra avec une fermeté capable de tenir à distance une redondance de malheurs, une maladroite sensiblerie et une encombrante nostalgie.

Reste néanmoins un film qui, par les serrements de cœur du réalisateur qu’il laisse émerger, donne envie d’excuser sa volonté (trop) illustrative et sa mise en scène (trop) proche d’une imagerie d’Epinal.

Même s’il n’a pas la force du « Los Olvidados » de Bunuel ou la sobre dignité du « Voleur de bicyclette » de De Sica, films dont il invoque la tutelle, « Cartouches… » est une intéressante tentative de porter, avec fraternité, un regard sur une période troublée.

Et de tenter d’y trouver un apaisement inenvisageable à l’époque des faits réels.

Longtemps tabou, « Le petit soldat » de Jean-Luc Godard a été interdit pendant quelques années, la guerre d’Algérie a été l’objet de remarquables (*) bons (**) et moins bons (***) films. C’est la première fois que celle-ci se décline à la hauteur des yeux d’un enfant.

Comme le blitz de la Seconde Guerre Mondiale était vu par un gamin dans le « Glory and hope » de John Boorman.

L’enjeu en vaut la vision. (m.c.a)

(*) « La question » de Laurent Heynemann,
(**) « Avoir vingt ans dans les Aurès » de René Vautier, (**) « Mon colonel » de Laurent Herbiet, « Trahison » de Philippe Faucon.
(***) « L’honneur d’un capitaine » de Pierre Schoendoerffer