Chronique sentimentale
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THREE TIMES

Hou Hsiao-Hsien (Taiwan 2005 - distributeur : Benelux Film Distribution)

Shu Qi, Chang Chen

132 min.
15 février 2006
THREE TIMES

Ne pas s’opposer à la langueur, voire au léger ennui qui s’empare de vous à la vision de ce « Three times » n’est ce pas la meilleure façon d’être au plus près de ce triptyque d’histoires superbement mises en forme par celui qui, avec son jeune confrère Tsai Ming-Liang, porte le cinéma taiwanais haut au firmament du 7ème art ?

3 époques (1911, 1966, 2005), 3 approches de la relation amoureuse (impossible, sublimée, sexualisée) et toujours les deux mêmes acteurs qui incarnent avec une intense présence la difficulté d’exprimer ses sentiments.

Chaque histoire peut se voir et se comprendre indépendamment des deux autres mais les voir ensemble permet de tisser l’évolution historique d’une île qui passe de l’occupation japonaise (1911), aux risques d’une contamination par la révolution culturelle de Chine (1966) avant de connaître une frénésie technologique qui la rapproche des mégapoles occidentales (2005).

A ces mutations géopolitiques, correspond une transformation du rôle de la femme.
Courtisane privée de liberté en 1911, objet de la convoitise masculine en 1966, elle est en 2005, à l’égal de l’homme, sujet de désirs assumés.

Ces évolutions, au lieu d’harmoniser ou de faciliter les rapports entre les personnages, hoquètent et se délitent dans des promiscuités urbaines et sonores qui incitent à la confusion (bisexuelle) et à la désespérance.

Les tourments et insatisfactions intemporelles qui agitent les cœurs et les corps sont magnifiés par une caméra ample et tranquille qui fait la part belle aux portes ouvertes et aux fenêtres entrebâillées.
Comme si l’amour était d’une essence à ce point suffocante qu’il n’est supportable que s’il se vit « aéré », comme s’il était le reflet de l’époque dans laquelle il s’incarne : hiératique au début du
XXe siècle, romantique pour les années 60 et fiévreux de nos jours.

Est paru aux Cahiers du Cinéma un « Hou Hsiao-Hsien » qui apporte un regard éclairant sur la technique de ce réalisateur dont la magie s’origine dans de longs plans fixes au sein desquels s’inscrivent, comme parties d’un vaste ensemble, des humains souvent solitaires et en quête désenchantée d’eux-mêmes. (m.c.a)

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