Drame lyrique
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JULIA

Eric Zonca (USA/France 2008 - distributeur : Cinéart)

Tilda Swinton, Saul Rubinek, Kate del Castillo

9 mai 2008
JULIA

Un prénom ne résonne que par les vibrations que lui insuffle celle qui le porte.

Chez Fred Zinnemann (*) il fait écho au courage d’une jeune femme juive qui, dans les années 1930, prend fait et cause pour la résistance au mouvement nazi et à l’amitié qui la lie à l’écrivaine américaine Lilian Hellman.

Chez Zonca, il éclate et vrille sous les effluves d’alcool dans lesquelles une jeune femme se perd. Pour éviter de penser, de poser sur sa vie stérile, sans amour, sans boulot, sans espoir, un regard désembrumé, désenivré.

Regard-tampon, qui s’il n’existait pas, risquerait de la noyer dans un abyssal sentiment nihiliste bien plus sûrement que les litres de vodka et de gin ingurgités à longueur de répétitives journées et de libidineuses nuits.

Julia c’est Tilda Swinton dans une étonnante partition en trois temps dont l’intensité et la durée inégales apportent au film sa nervosité.

Le premier mouvement dresse le portrait sans concession, saisi par une caméra fiévreuse, d’une femme qui dérape et tangue. Dans les bars et dans la vie.

La deuxième cadence propose un marché : Julia accepte d’aider une plus allumée qu’elle, rencontrée lors d’une séance chez les Alcooliques Anonymes, à kidnapper son enfant dans l’espoir d’obtenir de sa belle-famille une rançon.

Ce pacte, qui ne se déroulera pas comme prévu, va sceller l’entrée du personnage dans une troisième trépidation.

Celle de la nécessité de se définir par un choix. L’enjoignant pour rejoindre une autre réalité que la sienne, de quitter son habit d’épave désabusée, indifférente et fossilisée autour d’un ego monstrueusement destructeur.

Pour coller à cette thématique de dérive, Zonca opte pour le road-movie. Entre la Californie et le Mexique, lui donnant l’occasion lorsque Julia franchira, en le détruisant, le mur qui sépare les deux Etats, de donner une forme, violente et incontrôlable, à ses retrouvailles avec des sentiments de dignité et d’empathie oubliés depuis longtemps.

Ce n’est pas qu’un tas de briques qui a été dézingué, c’est une muraille d’insensibilité à ce que l’autre est. A ce que l’autre ressent.

Il y a dans « Julia » une urgence, une pulsion instinctive à être. A jouer et à tourner.

Un trop de survoltage. Comme lorsque l’on branche un appareil électrique dans une prise inappropriée, il y a un risque de dégommer les plombs.

En l’occurrence l’a priori bienveillant du spectateur à retrouver, après une longue jachère, le réalisateur de « La vie rêvée des anges ».

Spectateur qui peut être lassé par un rythme qui fait de l’excès sa mesure, du surjeu des acteurs un parti pris fatiguant, de la vraisemblance scénaristique un accessoire remisé au placard et de la volonté de filmer efficace un gimmick.

Dans un long et passionnant entretien accordé à Elise Domenach et Grégory Valens dans le magazine « Positif » du mois de mars 2008, Eric Zonca évoque ses références majeures : « Gloria » de John Cassavetes et « Puzzle of a downfall child » de Jerry Schatzberg.

Occasions précieuses qu’il nous donne de revoir deux œuvres essentielles et deux images tout aussi essentielles de « femme à l’écran ». 

En DVD disponibles à la médiathèque de la Communauté Française de Belgique. (m.c.a) 

(*) « Julia » (1977) avec Jane Fonda et Vanessa Redgrave