Tranche de vie
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MATAHARIS

Iciar Bollain (Espagne 2007 - distributeur : Cinéart)

Najwa Nimri, Maria Velasquez, Nuria Gonzales, Tristan Ulloa

95 min.
25 juin 2008
MATAHARIS

Elles sont trois. Elles travaillent pour une agence de détectives. Elles n’ont rien en commun avec les « Charlie’s Angels » (*), cette série télévisée qui connut ses heures de gloire à la fin des années 1970 en reconnaissant à la femme une possibilité d’être à la fois sexy, combative et ironique. (*)

Ines, Eva et Carmen vivent à Madrid. Une existence plutôt quelconque, empêtrée dans un quotidien fait de solitude, de difficultés financières et de pertes d’illusions. Un peu comme Anémone, détective elle aussi, dans le très accrocheur « Pas très catholique » de Tonie Marshall.

Trois portraits croisés de femmes de générations différentes mais confrontées à la même nécessité de s’adapter à une réalité qu’elles n’ont pas toujours choisie sous peine de s’enliser dans de douloureux rapports avec elles-mêmes et leurs entourages proches.

Trois points de vue qui interrogent les questions qui fondent l’éternel féminin : la relation à l’homme, à la famille et à l’argent.

Leur travail plutôt routinier - essentiellement des filatures de maris adultères - prendra une direction plus sociale lorsque leurs services seront sollicités pour empêcher des syndicalistes de dénoncer l’indélicatesse de certaines pratiques entrepreneuriales visant à licencier abusivement du personnel.

On n’est pas dans une approche politique d’un phénomène de manipulation comme dans le polémique « Les ressources humaines » de Laurent Cantet mais plutôt dans un prétexte narratif pour étayer la complexité et la fragilité de l’équilibre à trouver entre vie sentimentale et vie professionnelle.

La condition de la femme reste, dans nos sociétés modernes, un défi à relever tous les jours.

« Mataharis » a le mérite de le rappeler, sans emphase déclamatoire mais avec une douce insistance qui doit beaucoup à l’aisance des interprètes à se fondre, loin de l’impersonnel et du distancié des clichés, dans un réel - miroir de celui des spectatrices.

Malgré une mise en scène parfois engourdie et des intrigues trop schématiquement dépliées, le film rend un son juste souvent. Honnête toujours.

En raisonnant à partir d’une réflexion qu’il propose sur la différence entre un mensonge et un secret, on peut dire de « Mataharis » (**), sans le trahir, que s’il n’a pas la force de la réalisation précédente d’Iciar Bollain « Te doy my ojos » (***), il est néanmoins un film attachant.

L’union des critiques de cinéma espagnols lui a décerné le prix du meilleur scénario en 2008. (m.c.a)

(*) En français « Ces drôles de dames » qui furent adaptées, en 2000, sans grande efficacité, pour le grand écran avec dans les rôles-vedettes Drew Barrymore, Lucy Liu et Cameron Diaz.
(**) Le titre est-il une allusion à Mata Hari ("L’oeil du jour" en Malais), contrainte en tant qu’espionne de naviguer entre tromperie et dissimulation ?
(***) Pour mémoire une magnifique dénonciation de la violence conjugale.

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