Najwa Nimri, Maria Velasquez, Nuria Gonzales, Tristan Ulloa
Elles sont trois. Elles travaillent pour une agence de détectives. Elles n’ont rien en commun avec les « Charlie’s Angels » (*), cette série télévisée qui connut ses heures de gloire à la fin des années 1970 en reconnaissant à la femme une possibilité d’être à la fois sexy, combative et ironique. (*)
Ines, Eva et Carmen vivent à Madrid. Une existence plutôt quelconque, empêtrée dans un quotidien fait de solitude, de difficultés financières et de pertes d’illusions. Un peu comme Anémone, détective elle aussi, dans le très accrocheur « Pas très catholique » de Tonie Marshall.
Trois portraits croisés de femmes de générations différentes mais confrontées à la même nécessité de s’adapter à une réalité qu’elles n’ont pas toujours choisie sous peine de s’enliser dans de douloureux rapports avec elles-mêmes et leurs entourages proches.
Trois points de vue qui interrogent les questions qui fondent l’éternel féminin : la relation à l’homme, à la famille et à l’argent.
Leur travail plutôt routinier - essentiellement des filatures de maris adultères - prendra une direction plus sociale lorsque leurs services seront sollicités pour empêcher des syndicalistes de dénoncer l’indélicatesse de certaines pratiques entrepreneuriales visant à licencier abusivement du personnel.
On n’est pas dans une approche politique d’un phénomène de manipulation comme dans le polémique « Les ressources humaines » de Laurent Cantet mais plutôt dans un prétexte narratif pour étayer la complexité et la fragilité de l’équilibre à trouver entre vie sentimentale et vie professionnelle.
La condition de la femme reste, dans nos sociétés modernes, un défi à relever tous les jours.
« Mataharis » a le mérite de le rappeler, sans emphase déclamatoire mais avec une douce insistance qui doit beaucoup à l’aisance des interprètes à se fondre, loin de l’impersonnel et du distancié des clichés, dans un réel - miroir de celui des spectatrices.
Malgré une mise en scène parfois engourdie et des intrigues trop schématiquement dépliées, le film rend un son juste souvent. Honnête toujours.
En raisonnant à partir d’une réflexion qu’il propose sur la différence entre un mensonge et un secret, on peut dire de « Mataharis » (**), sans le trahir, que s’il n’a pas la force de la réalisation précédente d’Iciar Bollain « Te doy my ojos » (***), il est néanmoins un film attachant.
L’union des critiques de cinéma espagnols lui a décerné le prix du meilleur scénario en 2008. (m.c.a)
(*) En français « Ces drôles de dames » qui furent adaptées, en 2000, sans grande efficacité, pour le grand écran avec dans les rôles-vedettes Drew Barrymore, Lucy Liu et Cameron Diaz.
(**) Le titre est-il une allusion à Mata Hari ("L’oeil du jour" en Malais), contrainte en tant qu’espionne de naviguer entre tromperie et dissimulation ?
(***) Pour mémoire une magnifique dénonciation de la violence conjugale.
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