Ecran Total
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SECRET SUNSHINE

Lee Chang-dong (Corée du Sud 2007 - diistributeur : Ecran Total)

Jeon Do-yeon, Song Kang-ho

144 min.
30 juillet 2008
SECRET SUNSHINE

Quand la fiction, au cinéma (ou en littérature), est au service d’une quête de sens c’est un bonheur. Même, et c’est là le paradoxe de l’art, lorsqu’elle a comme pivot le malheur et ses contraintes.

Double bonheur de « Secret … » parce que la quête se double d’un portrait attachant et poignant d’une jeune femme, Shin-Ae, qui décide à la mort de son époux d’aller vivre dans la ville natale de ce dernier en compagnie de son fils. Sans se douter qu’à l’aube de la vie nouvelle et paisible qu’elle espère, une nouvelle tragédie l’attend.

Dans un premier temps, Shin-Ae va tenter de résister. De trouver des dérivatifs à son chagrin, dans la religion notamment. Avant de sombrer dans la folie et le désir de mort.

Qu’est-ce qui scelle une vie ? Le destin ou le hasard ? Peut-on échapper à la douleur par la volonté ? L’apaisement, seule clôture possible au désespoir, est-il nécessairement au bout de tous les chemins ? La religion n’est-elle que fumée et fumisterie ?

Le film déplie ces questionnements au gré des états d’âme de l’héroïne. Parti pris délibéré du metteur en scène qui donne à l’histoire une impression de décousu alors qu’en fait elle ne fait que suivre, au plus près, les errances et errements d’un cœur qui, à force d’avoir été boxé, ne connaît plus la ligne droite.

Il n’y a pas de gradation dans l’échelle de la souffrance. Celle-ci, pour chacun, est personnelle.
Limitée ou infinie, elle emporte celui qui en est accablé sur ses coursiers d’angoisse et de noirceur. Tantôt acceptant tantôt refusant la consolation.

Ce qui intéresse Lee Chang-dong ce n’est pas la psychologie de ses personnages. Il tente plutôt de saisir, pour les restituer avec une économie de moyens qui frise l’épure, les sensations corporelles, sensitives par lesquelles se donnent à voir les microfrémissements d’une intériorité fracassée.

Pour incarner ces émotions souvent asséchées, une actrice formidable. Jeon Don-yeon (*), prix
d’interprétation au festival de Cannes 2007, qui par une prestation rendant sœurs la subtilité et
la métaphysique non seulement borde l’indicible de tangibilité mais renvoie d’une certaine société coréenne, celle des petites bourgades et des camelots de la foi, une image inhospitalière.

Qui rappelle les faux-semblants avec lesquels dans « Home song stories » de Tony Ayres, une jeune chinoise est accueillie dans sa belle-famille australienne. Hypocrisies et égoïsmes qui ajoutent à la peine, la certitude d’être coupable d’une faute inguérissable et impardonnable.

Film aride, cubique par sa force qui ne renvoie qu’à l’aporie de la situation dramatique qu’il décrit, « Secret Sunshine », la traduction du nom de la localité - Myriang - dans laquelle s’exile Shin-yae, est traversé de deux présences masculines.

Poids et contrepoids à la solitude de l’héroïne. L’un parce qu’il la prive du soulagement de pouvoir pardonner, l’autre parce qu’il rend, par une présence empreinte d’humanité, possible l’écho d’une sérénité que Shin-ae, selon l’appréciation que le spectateur projette sur la fin ouverte voulue par le cinéaste, pourrait envisager.

Comme toutes les œuvres qui parlent d’épreuves intimes - « La marea » de Diego Martinez Vignatti - « Secret Sunshine » n’est pas un film facile à traverser.

Eprouvant par sa longueur, ses silences, ses cassures de rythme, ses scènes anticipatives d’un destin en marche, ses plans mystérieux qui s’ouvrent sur le ciel et se closent sur la terre, il devient envoûtant pour ceux qui acceptent l’idée que la grâce se mérite.

Un long entretien avec le cinéaste mené par Michel Ciment et Hubert Niogret est proposé dans le magazine « Positif » d’octobre 2007.

« Secret sunshine » est adapté d’une nouvelle de Yi Chong-jun. (m.c.a)

(*) Jusqu’à présent surtout célèbre en Corée du Sud pour avoir joué dans des films à vocation essentiellement commerciale.