Coup de coeur
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Coup de coeurGARAGE

Lenny Abrahamson (Irlande 2007 - distributeur : Brunbro)

Pat Shortt, Conor Ryan, Anne-Marie Duff

85 min.
13 août 2008
GARAGE

Le cinéma anglais est un beau cinéma. Puissant, classique et audacieux. Comme la programmation que lui consacre Flagey en ces mois d’été avec des reprises connues « Brief encounter » de David Lean ou moins connues « Bad timing » de Nicolas Roeg. - www.flagey.be

« Garage » n’est pas un film anglais. Il est irlandais. Nuance qui a son importance parce qu’elle colore les fins fonds de campagne et les fonds de canettes bues chaque soir au pub du coin d’une impression de solitude et de tristesse à nulle autre pareille.

Josie est simple. D’esprit et de cœur. Seul son corps est lourd et sans grâce. Toute la journée, il attend devant sa station-service qu’une voiture s’arrête. Un jour, David, un adolescent disgracieux et timide, vient lui donner un coup de main.

Qu’advient-il lorsque dans une vie scandée par la monotonie, la répétition des mêmes gestes et les moqueries humiliantes des voisins déboule un jeune garçon de 15 ans ?

Une envie de partager, de communiquer, d’établir un lien qui pourrait devenir une relation.

Mais comment faire lorsqu’on n’a pas le mode d’emploi, lorsqu’on n’a jamais lu le vade mecum de Dale Carnegie « Comment se faire des amis ? ».

On propose à celui dont on souhaite se faire un copain, ses hobbies et ses passe-temps de solitaire : boire et regarder des vidéos pornos.

Au risque de se faire accuser de perversion par une société dont la malveillance, reflet de son intolérance à tout ce qu’elle ne comprend pas, n’est jamais longue à se réchauffer.

Ce n’est pas parce qu’il boite, parce que ses facultés intellectuelles sont réduites et son rapport à la sexualité problématique que Josie n’est pas accepté par les villageois qu’il côtoie tous les jours.

C’est parce qu’il est porteur d’une humanité, d’une bonté instinctive qui le range du côté de ceux qui ont besoin de silencieux réconfort - c’est le cas de David effrayé à l’idée de devoir devenir adulte - que son histoire connaîtra une fin tragique.

Il y a dans « Garage » une douleur sourde, une violence rampante qui rappelle celles de Lenny, le héros « Des souris et des hommes » de Steinbeck.

En même temps qu’il épure sa mise en scène, qu’il rend par des plans quasi picturaux palpable un silence - celui du temps aboli - ou la tranquillité d’une possibilité d’amitié, le cinéaste rend compte d’un malaise.

Profond, existentiel et social dans le chef de tous ceux qui ne supportent pas que la marginalité soit candide.

Si celle-ci existe, il convient de veiller, hypocrisie et blâme en carquois, à la rendre dangereuse.

Josie - un épatant Pat Shortt (*) - n’a pas le gabarit physique de la jeune « Mouchette » de Robert Bresson. Mais il en a la fragilité et le désespoir muet.

Pour lui aussi, l’aventure humaine se terminera mal. Laissant dans la poitrine du spectateur un trou.

Porté non pas du côté droit comme dans « Le dormeur du val » de Rimbaud, mais du côté gauche.

Là où le cœur bat plus vite lorsque l’histoire qu’on lui raconte le touche et l’émeut. (m.c.a)

(*) Plus connu pour l’humour décapant de ses « stand-up performances » que pour ses apparitions jusqu’à présent rarissimes, sur grand écran. Son mélange de tendresse et d’apparence bourrue fait penser à Kitano Takeshi, cet autre bouffon à la mélancolie blagueuse et agressive.