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CIDADE DOS HOMENS

Paolo Morelli (Brésil 2007 - distributeur : Benelux Film Distributors)

Dougals Silva, Darlan Cunha, Rodrigo dos Santos

108 min.
20 août 2008
CIDADE DOS HOMENS

Est-ce à cause de son titre, pendant yang de « La citta delle donne » de Fellini, que ce film dont la qualité principale est de donner l’impression d’avoir été filmé sur le vif, remet en mémoire un propos tenu par il Maestro dans le très curieux documentaire de Damian Pettigrew « Je suis un menteur né » ?

« Je refuse le happy end parce qu’il enlève toute responsabilité au spectateur… Je n’ai d’ailleurs jamais écrit le mot FIN sur l’écran ».

« Citade dos homens » est la suite, pour grand écran, des aventures - qui parce qu’emblématiques de la vie dans les favelas de Rio de Janeiro ont passionné les Brésiliens durant 5 saisons télévisées - de deux jeunes habitants de bidonvilles, Acerola et Laranjinha.

Après la « Citade dos Deos » dont il est le metteur en scène, Fernando Meirelles a décidé de passer la main à Paulo Morelli, l’un des réalisateurs de la saga pour TV Globo, tout en se réservant les mannettes de la production (*)

Malgré les liens de parenté évidents entre les deux cités, celle de Dieu et celle des Hommes - la pauvreté, les guerres entre les clans qui se partagent les collines de Rio, la délinquance juvénile -, les différences existent entre les deux œuvres.

Existent et fondent en quelque sorte une proximité plus grande, dans celle de Morelli, entre les personnages et le spectateur - comme si le retour sur terre, le monde humain ayant succédé au monde divin, était un gage d’émotion accrue, de retour d’une certaine tendresse et d’une envie d’exister moins appendue aux hasards de l’agressivité urbaine.

Là où tout était, dans « Cidade de Deus » ébullition et brutalité, dans « Cidade dos homens », apparaît une timide réapparition de la règle (à-travers une réappropriation de l’image paternelle) qui permet sinon le glas de la sauvagerie du chacun pour soi du moins l’espoir d’un monde où le geste citoyen et responsable retrouve droit de cité.

Un geste, comme celui symbolique de traverser une rue, qu’un père doit apprendre à son fils pour couper court à la spirale sans fin de la violence répétée parce qu’imitée.

Si la parenté Meirelles / Morelli ne s’inscrit pas dans l’intention qui porte le film - beaucoup plus optimiste et centrée sur les notions de famille chez le second que chez le premier -, elle se décline clairement dans certains partis pris de mise en scène : sursaturation des couleurs, arythmie de l’action, tantôt lente tantôt speedée, qui souligne l’architecture labyrinthique et escarpée de la favela.

Même filmé caméra à l’épaule, la balance de « Cidade dos homens », comme on le dirait de l’ondulation d’une son musical, semble assagie.

Affadie. Amputée de la rage ou folie (tarentinesque ?) qui anime « Citade dos Deus » et lui donne les couleurs de l’enfer. 

Chez Morelli, on a l’impression que la fièvre a baissé de plusieurs degrés. Qu’elle est devenue plus raisonnable, plus accommodable.

Plus proche d’une « TV touch ». Où même les « bad guys » semblent avoir été javellisés par un bienséant Monsieur Propre.

A la brûlure visuelle d’une incandescence dont la sincérité était, chez Meirelles, menacée par une trop grande stylisation est préféré, chez Morelli, le parcours de deux jeunes gens qui se demandent comment devenir un adulte responsable lorsqu’on a manqué d’une référence protectrice et paternelle ?

La dernière séquence du film laisse augurer d’un apprentissage qui ne sera sans doute pas évident.

Mais au moins le spectateur quittera la salle de projection en se disant qu’une espérance est levée. Acerola et son ami vont tenter de devenir des hommes.

En dehors d’une « Cidade » qui pulse de règlements de comptes, de drogues et de vengeances armées.

Le cercle de la fatalité est rompu. (m.c.a)

(*) Le parcours de Meirelles est un des plus intéressants de la scène cinématographique contemporaine. Metteur en scène de films publicitaires, au tournant de la quarantaine et de sa crise de conscience, il a décidé de tourner le dos à l’artificialité répétitive de son travail et de financer des projets sur les conditions de vie dans les quartiers pauvres de sa ville, Rio. On attend avec impatience sa dernière œuvre présentée à Cannes et tirée du roman de l’écrivain portugais José Saramago « Blindness » .