Drame familial
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C.R.A.Z.Y.

Jean-Marc Vallée (Canada 2005 - distributeur : Cinéart)

Michel Côté, Marc-André Grondin, Danielle Proulx

125 min.
21 juin 2006
C.R.A.Z.Y.

Si ce film charme c’est parce qu’il ne se présente pas comme une approche exemplaire de la vie de famille mais parce qu’il se donne comme un regard amical et complice sur la vie d’une famille, celle des Beaulieu, pendant 20 ans.

Celle-ci n’est pas comme le titre pourrait le faire croire « C.R.A.Z.Y » mais simplement particulière et donc unique. A la façon de toutes les familles. Raison pour laquelle sans doute chacun (*) peut se retrouver dans cette histoire de 5 frères - dont les initiales des prénoms donnent au titre sa forme acronyme - qui, quoique très différents, finiront après moult mises au point par se rendre compte qu’ils ont les uns pour les autres de la tendresse.

Un enfant Beaulieu se détache du lot : Zac dont avec simplicité et sensibilité le réalisateur retrace l’hasardeux parcours d’acceptation d’une homosexualité aussi mal vécue que mal acceptée par ses proches. A l’exception d’une mère qui, quelles que soient les épreuves, reste indéfectiblement aimante et dévoué (magnifique Danielle Proulx nimbée de tendresse rayonnante comme une icône orthodoxe).

L’originalité du déroulement narratif réside dans la scansion musicale des tensions qui surgissent entre les personnages. De la pop des Rolling Stones, avec une jubilatoire envolée délirante sur « Sympathy for the devil », à David Bowie dont le « Space Oddity " ouvrira la voie d’un premier coming out, en passant par le disque de Patsy Cline dont la brisure sera l’occasion pour le père d’exprimer au fils sa colère et son incompréhension de le voir prendre un chemin de déviance par rapport aux standards de l’époque - les années soixante - et de leur milieu ouvrier et religieux.

Ce parti pris de doubler le tragique de succès musicaux rappelle le procédé utilisé par François Truffaut qui, dans « La femme d’à côté », choisit d’exprimer le contraste entre le calme apparent d’une histoire et la violence qui la sous tend par des chansons d’Edith Piaf.

Même si « C.R.A.Z.Y » n’évite pas certains clichés (le frère sportif, le frère junkie), il redonne au conte d’Andersen « Le vilain petit canard » une salutaire modernité. Il n’est jamais aisé d’être, au sein de sa famille, celui qui par sa singularité, attire les regards.

Alain Berliner dans « Ma vie en rose » l’avait déjà souligné. Et la fin consensuelle de « C.R.A.Z.Y » n’effacera pas l’impression qu’assumer une différence reste un apprentissage balisé de doutes et de peurs de ne plus être aimé de ses proches (m.c.a)

(*) au Canada plus du quart de la population aurait dit-on vu ce film