Drame social
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CHANGELING

Clint Eastwood (USA 2008 - disributeur : UPI)

Angelina Jolie, Carol Dexter, John Malkovitch, Gattlin Griffith, Jeffrey Donavan, Michael Kelly, Jason Butler, Amy Ryan, Devon Conti, Eddie Alderson ...

141 min.
12 novembre 2008
CHANGELING

Une carrière qui n’a rien à envier aux plus grands de l’histoire du cinéma ; un nom, une personnalité, un sens artistique ; Clint Eastwood est tout cela à la fois, mais tellement plus aussi.

Avec sa nouvelle œuvre, il nous propose de découvrir une histoire basée sur des faits réels, celle de Christine Collins (Angelina Jolie, dans la lignée de sa prestation de Marianne Pearl dans « A Mighty Heart » de Michael Winterbottom ), une mère qui constate à son retour du travail la disparition de son fils. Cinq mois plus tard, la police de Los Angeles clame avoir retrouvé ce dernier, même si tout en lui paraît étranger à Christine.

Aidée dans sa quête par des figures de soutien, notamment le Révérend Gustav Briegleb (un John Malkovich rassurant en solide mentor) et Amy Ryan (Carol Dexter, époustouflante en femme moderne à l’esprit libre), Christine Collins se dresse, telle une brindille indomptable impossible à faire plier, et tente de faire entendre sa voix avec conviction et entêtement au milieu de la corruption qui fait rage au sein des autorités en instance durant l’ère de la Prohibition.

Angelina Jolie interprète cette femme formidable à l’esprit brave. Exprimant le désarroi d’une mère et son impuissance face aux manipulations psychologiques des autorités, l’actrice livre une interprétation forte et honnête. 

Les prestations de chacun sonnent justes, aussi bien celle du Capitaine de la Police (un sournois mais charismatique Jeffrey Donovan) que celle d’un psychopathe indéniablement perturbé (Jason Butler Harner, une première interprétation toute en nervosité), en passant par les jeunes enfants dont la vie se trouve chamboulée à jamais.

« Changeling » est inclassable, tant au niveau de sa forme que de son contenu. Le film, bercé par une musique aérienne signée par le réalisateur lui-même, voyage du drame social à la parabole historique, en passant par le suspense.

Mêlant expressionnisme et atmosphère claustrophobique, l’image fait revivre devant nos yeux une période troublée. Cette esthétique singulière et soignée, qui n’est pas sans rappeler la tradition du film noir et du film gothique, recrée des temps historiques avec un sens du détail inouï.

Les couleurs délavées et éteintes retranscrivent le sentiment de perte et d’abandon et le désarroi, ressentis non seulement par cette mère impuissante face à l’insensibilité et l’injustice auxquelles elle doit faire face, mais également, à plus grande échelle, par la nation américaine quelques mois avant l’arrivée de la Grande Dépression. 

Véritable hommage aux films des années 30, teinté d’une douce nostalgie, le film de Clint Eastwood explore la conscience citoyenne et offre une réflexion sur une Amérique malade et torturée. Son constat se révèle intemporel, tant les valeurs qui y transparaissent pourraient être appliquées à la nation américaine contemporaine.

A 78 ans, Clint Eastwood possède toujours ce talent inné, celui de conteur d’histoires. La construction subtile d’un récit dont les lignes ne cessent de s’entrecroiser et de s’enrichir mutuellement, entre retours en arrière, alternance de moments-clés et discours illustré, nous plonge au cœur même d’une époque révolue, tout en retransmettant des problèmes universels.

Même s’il manque à « Changeling » ce petit supplément d’âme qui en ferait un chef d’œuvre à l’implication émotionnelle totale, ce voyage dans le temps souligne les dérives d’une part de la société au pouvoir et fait résonner des thèmes humanistes et idéalistes, à savoir la réunion d’une communauté autour de la lutte contre la cupidité et l’intimidation ainsi que la quête de la vérité.

 Clint Eastwood, en grand maître de la mise en scène, se distingue car il parvient à creuser, toujours plus profondément, sa compréhension subtile du côté le plus sombre de la nature humaine mais aussi celle de l’héroïsme des gens simples. 

(Ariane Jauniaux)